« Plaidoyer pour une généralisation de l’apprentissage citoyen de la communication alternative et améliorée »

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Tous les jours, Hakim (le prénom a été changé) prend un taxi pour rentrer de l’école. L’enfant est autiste et non oralisant. Ce jour-là, sa maman le retrouve en pleurs avec une importante marque au visage. Elle comprend qu’Hakim a été violenté. Dans l’incapacité de parler, celui-ci ne donnera jamais sa version des faits. Pire, la police refusera de recueillir la plainte de sa mère. Elle aurait sans doute été classée sans suite.

Comme Hakim, 98 millions de personnes dans le monde ont besoin de stratégies et d’outils pour s’exprimer quotidiennement autrement que par la parole. Des solutions existent et sont développées depuis 1970 : c’est la communication alternative et améliorée (CAA), définie comme un mode de communication par l’article 2 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées de l’ONU.

La CAA est un ensemble de méthodes et d’outils qui permettent de mieux s’exprimer, de comprendre et de se faire comprendre en cas d’absence totale ou partielle du langage oral. Elle peut faire appel à des images, des pictogrammes, des signes, des lettres, etc. organisés dans des tableaux, des classeurs ou des tablettes de communication. Le choix de ces outils et méthodes est individualisé en fonction des besoins des personnes.

Un retard important de la France

L’astrophysicien Stephen Hawking (1942-2018), l’entrepreneur Olivier Goy et le rappeur Pone, atteints de la maladie de Charcot, sont des utilisateurs connus du grand public. La CAA s’adresse en effet aux personnes en situation de handicap avec des besoins complexes de communication, mais aussi à d’autres publics : sujets âgés, enfants et toutes les personnes parlant une langue étrangère.

Pour 98 millions d’individus, c’est un moyen capital pour vivre au quotidien, évoluer en sécurité, s’épanouir, être avec les autres et faire des choix. La France accuse cependant un important retard dans le déploiement de la communication alternative et améliorée, que pointait le rapport Taquet-Serres remis au premier ministre Edouard Philippe en 2018.

En avril 2023, lors de la Conférence nationale du handicap, le président de la République déclarait : « Il est temps de redonner la parole aux deux millions de personnes qui ne l’ont pas. » En 2024, les premières mesures nationales sont attendues.

Dans certains établissements et services médico-sociaux (ESMS), des réalisations en CAA sont encore dues à des initiatives personnelles plus qu’institutionnelles. Quand les personnes à l’origine de ces initiatives s’en vont, les acquis peuvent être perdus, avec des répercussions dommageables pour les utilisateurs. Développer une démarche personnalisée de CAA doit devenir obligatoire dans les projets des établissements. Investir dans ces outils de communication permet de réduire les surhandicaps, les ruptures de parcours et d’améliorer la qualité de vie d’un grand nombre d’individus.

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