Pierre Goldman, un militant et un hors-la-loi hanté par la mort

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Il y avait déjà des armes et des tracts cachés dans le berceau de Pierre Goldman, né, le 22 juin 1944, dans un Lyon encore occupé, de deux parents juifs polonais engagés dans la Résistance communiste des FTP-MOI, les Francs-tireurs et partisans – Main-d’œuvre immigrée. « De cette époque, je n’ai pas de souvenir, écrira plus tard Goldman, constamment hanté par la mort, mais je conserve, je le sais, la marque de ce combat et j’ai erré pour en retrouver la saveur. »

A 15 ans, il adhère aux Jeunesses communistes, et, lors du putsch des généraux d’Algérie, en avril 1961, attend (en vain) le débarquement des parachutistes, rêve de se battre, et se dit toujours « rempli d’images de guerre d’Espagne ». Il suit des cours de philosophie par correspondance, adhère à l’Union des étudiants communistes (UEC), et bientôt à l’Union nationale des étudiants de France (UNEF), où il s’engage dans le service d’ordre, pour échapper « à l’ignominie du pur maniement de concepts, qui fait l’essentiel de notre activité ». Il s’agit surtout d’affronter une extrême droite nostalgique des guerres d’Algérie et du Vietnam. En 1964, il s’oblige à apprendre le karaté, parce qu’il se sent issu « d’une lignée de rabbins et de tailleurs humiliés, meurtris, assassinés » dont il pense porter « la marque indélébile et pérenne ».

Un an plus tard, lors d’une fête cubaine, il tombe amoureux des Caraïbes : « Me vint la langueur de n’être pas dans cet espace, d’en être privé », écrit Pierre Goldman, dans Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France (Seuil, 1975), un livre profondément touchant écrit en prison. « Et je voulus m’y rendre et m’y battre, et je sentais que la mort pourrait m’y être douce. » Il passe sa vie avec des Antillais, parle créole, boit du rhum, s’enivre de musique et rêve de partir.

Trois braquages avoués

Il embarque en 1966 comme garçon de cuisine sur un cargo pour les Etats-Unis, est arrêté au Mexique et expulsé après quelques jours de prison. L’année suivante, il est à Cuba et entre en contact avec un groupe de maquisards vénézuéliens, qu’il rejoint en août 1968, pendant quatorze mois, dans une clandestinité complète. C’est un échec. Le groupe ne parvient pas « à sauver la lutte armée du déclin mortel où elle se trouvait ». De retour à Paris, il rêve de guérilla urbaine en France ; ses anciens copains le regardent en silence, « comme on regarde un dément ».

Goldman n’a plus un sou, et se prépare à commettre des hold-up, notamment chez l’écrivain Jean-Edern Hallier, qu’il déteste, ou le psychanalyste Jacques Lacan, qu’il admire, pour lui signaler que son pistolet « n’était pas un symbole phallique ». Il aimerait bien rencontrer des voyous, mais il n’en connaît pas, et braque tout seul en 1969 une pharmacie pour aider un copain dans le besoin. Deux semaines plus tard, nouveau hold-up chez Vog, un magasin de haute couture, à visage découvert et devant plus de dix témoins.

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