« Objectivement, toute l’enclave est détruite »

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Alexandre Chatillon, directeur général de l’ONG française Super-Novae, à Gaza, le 15 juillet 2024.

Ancien diplomate, Alexandre Chatillon dirige l’ONG Super-Novae. Bénéficiant de financements du ministère des affaires étrangères français, elle a ouvert un bureau à Gaza en 2023 pour accompagner des femmes vers l’emploi et le marché du travail. Depuis le 7 octobre 2023, elle porte assistance à ces femmes déplacées, organise un soutien psychologique, et sensibilise aux violences faites aux femmes dans les camps de réfugiés. Elle finance aussi des activités à destination des enfants. De retour dans la ville de Gaza, où il s’est rendu début juillet, il témoigne de l’agonie du territoire palestinien.

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Quelle est la situation dans la bande de Gaza alors que l’armée israélienne multiplie les incursions et force quotidiennement des milliers d’habitants à se déplacer ?

Nous ne pouvons plus accéder à Rafah, dans le Sud. Le quartier où j’ai séjourné en mars a été ravagé. Tout le sud de la bande est un champ de ruines. J’ai pu accéder à Deir Al-Balah et dans la ville de Gaza. Les humanitaires sont concentrés dans une toute petite zone, à la merci des attaques israéliennes. Nous sommes censés bénéficier d’un mécanisme de « déconfliction ». Une plate-forme des Nations unies nous permet de localiser les maisons dans lesquelles nous logeons et de signaler nos déplacements qui sont envoyés aux autorités israéliennes pour validation. Elles sont censées nous appeler pour nous évacuer si elles interviennent dans la zone. Dans les faits, cela n’arrive jamais. Protéger les humanitaires n’est pas un enjeu pour l’armée israélienne.

Les gens se déplacent depuis octobre [2023]. Souvent, ils se sont déjà déplacés une fois, deux fois, trois fois. Les camps de déplacés sont aujourd’hui organisés, et on sent que cela va être long. Au sud, la population est entièrement parquée dans la zone humanitaire qui fait 4 kilomètres de long sur 1 kilomètre de large. La pression démographique est colossale sur un tout petit territoire.

Les réfugiés vivent toujours sous les tirs et témoignent d’un effondrement de la sécurité. Qu’en est-il ?

Le premier élément d’insécurité permanent, ce sont les bombardements. La zone humanitaire était censée être une zone protégée, mais comme on l’a vu à Nousseirat, le 15 juillet, une frappe visant le supposé numéro 2 du Hamas a fait cent morts. Quand je suis dans la ville de Gaza et que je demande aux gens pourquoi ils ne descendent pas vers le sud, la réponse est toujours la même : pourquoi y aller et s’y faire quand même bombarder ? Ils préfèrent rester chez eux. Tous les gens qui sont dans le Sud rêvent eux d’une trêve pour remonter dans le Nord, où vivent encore 350 000 personnes. Mais pour l’instant, ceux qui tentent de passer se font tirer dessus par les Israéliens. Des gens ont été tués la veille de mon arrivée. Si beaucoup gardent espoir – et heureusement d’un point de vue psychologique –, objectivement, toute la bande de Gaza est détruite. Il faudra des dizaines d’années avant de pouvoir reloger les gens correctement. Ce sont des générations qui sont perdues.

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