« Nous partageons désormais un destin commun »

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Depuis le jour où ils ont échappé à la mort, le 7 octobre 2023, Yaniv et Anita Meoded possèdent deux chaînes en argent. La première affiche « Nova », en lettres capitales calligraphiées. Elle rappelle leur attachement à ce festival de trance, un sous-genre de la musique électronique, organisé dans le désert israélien, près de la bande de Gaza. Pour le plombier de 42 ans, longtemps fan de métal, ces soirées lui avaient enfin permis de trouver un terrain d’entente musical avec son épouse, professeure de piano de 45 ans, formée au conservatoire. Le second bijou représente le pick-up à bord duquel le couple a réussi à fuir l’attaque terroriste, lors de laquelle 364 festivaliers, sur quelque quatre mille participants, ont été tués par le Hamas.

Ce matin-là, Yaniv, atteint de nécrose avasculaire, une grave maladie des os, profitait de la musique sur une chaise surélevée et ne se déplaçait qu’à l’aide de béquilles, soutenu par sa femme. Quand les premières roquettes ont lézardé le ciel, à 6 h 29, ils s’imaginaient condamnés sur ce coin de sable, loin de leurs trois enfants, Thea (20 ans), Barak (13 ans) et Lahav (12 ans). Longtemps cachés dans des buissons et tétanisés par les coups de feu toujours plus proches, Anita et Yaniv n’ont dû leur survie qu’à ce véhicule qui a réussi à zigzaguer à travers « l’horreur », avant de les récupérer avec quinze autres personnes. « Avec ce petit groupe, nous partageons désormais un destin commun », glisse Yaniv Meoded. Pour « ne jamais oublier », plusieurs d’entre eux se retrouvent souvent autour de barbecues et de bières, à leur domicile ou, comme ce 31 juillet, près d’un lac artificiel au sud de Tel-Aviv. Et désormais, ces dix-sept survivants portent tous les mêmes chaînes argentées.

Au bord du plan d’eau, plusieurs centaines de rescapés se réunissent chaque semaine pour une « journée d’entraide ». Pantalon à carreaux et dreadlocks sur les épaules, Yaniv Meoded confie avoir hésité avant de se rendre à ce festival Tribe of Nova miniature. Il espérait pouvoir mettre un peu de distance avec ce 7 octobre et ses 1 195 morts, reprendre le cours de son existence. Mais tout le ramène sans arrêt à ce jour sombre. Même le bruit de la chute d’une branche d’arbre lui rappelle le son tranchant des tirs de fusil d’assaut. Il a beau calmer ses angoisses en fumant des joints « toute la journée », le souvenir du drame s’infiltre dans n’importe quelle conversation, surtout après quelques bières.

Anita et lui ont finalement choisi de ne rater presque aucun de ces rendez-vous des miraculés. Ils échangent sur leur souffrance, s’entraident. Certains, dont la mémoire flanche à cause du traumatisme, retranscrivent leur propre histoire dans des petits carnets. « Des survivants n’ont pas réussi à sortir de chez eux depuis l’année dernière, assure Yaniv Meoded, les yeux embués derrière ses lunettes. Alors nous essayons de les faire venir dans cet espace sécurisé et bienveillant. »

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