« Notre père biologique, c’est peut-être un serial donneur »

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De gauche à droite, cinq demi-frères et sœurs biologiques : Elise, Antoine Konieczka, Maude Caron, Claire Peugeot et Vincent Belmon, à Paris, le 13 janvier.

Maude Caron s’ennuie. Elle est rentrée du collège, il fait nuit et elle traîne le mal-être de ses 13 ans dans la maison de sa mère et de son beau-père, près de Nancy. Lorsqu’elle croise un miroir, il lui renvoie les questions qui emplissent son adolescence. A qui appartiennent ces pommettes hautes, ces cheveux noirs ? D’où viennent ces yeux sombres et ces traits anguleux ? Ce corps athlétique, à la fois robuste et fin ? Maude ressemble à sa mère, oui, mais elle n’a aucun trait de son père.

Cela fait deux ans déjà que la jeune fille a des doutes. Elle a échafaudé une théorie. Sa mère a trompé son père. C’est une femme tellement puissante, « une lionne », alors que son père lui semble parfois si faible. Depuis ses 2 ans et le divorce de ses parents, Maude est ballottée entre deux vies. Celle de son père, du monde à la maison, des fêtes où elle est l’unique enfant. Celle de sa mère, vie de famille rangée, France Inter, Télérama, où elle est la fillette sage. Elle a un frère aîné et deux petites sœurs du côté de sa mère. Mais de l’union courte et tumultueuse de ses deux parents, entre 1978 et 1984, à Nancy, elle est la seule enfant.

Ce soir de 1995, Maude flâne sur la mezzanine, dans le bureau-bibliothèque. Des livres, il y en a des rayonnages entiers, mais aucun ne lui fait envie. Elle tombe sur un gros dossier d’archives qui lui est familier, de ces objets de la maison qui font partie du décor. Une étiquette : « Divorce Pierre » (le prénom a été changé). D’où surgissent les bouleversements ? « Tiens, allez, je vais lire ça », se dit-elle ce soir-là, comme par dépit.

La découverte d’une fratrie géante

Le divorce a été long et houleux. Ses parents sont en mauvais termes, ils se sont affrontés plusieurs années. Cela, elle le sait déjà, puisque, un jour, il a fallu faire intervenir les gendarmes : son père était venu la chercher pour les vacances, mais sa mère n’était pas d’accord avec lui sur les dates. Elle parcourt les pages de lettres d’avocats, de témoignages de proches, puis tombe sur un document. « Née par don anonyme de sperme. »

Maude range le dossier à sa place. Elle va dans sa chambre et pleure toute la nuit. Au matin, sa mère remarque qu’elle ne va pas bien, elle interroge sa fille et lui répond. Oui, elle est née d’un don, parce que son père ne pouvait pas avoir d’enfants. Ils sont allés voir le gynécologue, qui les a orientés vers le centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humain (Cecos) de Nancy. « Ça a marché du premier coup », dit sa mère.

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