On les retrouve la plupart du temps à la rubrique des faits divers des journaux ou à celle des comptes rendus de procès. Souvent, leur lecture provoque la sidération. Les infanticides, ces meurtres d’enfants qui interviennent le plus souvent dans le cadre familial, sont difficiles à penser, tant ils mettent à mal nos représentations. Et c’est une partie du problème, estiment les spécialistes des maltraitances infantiles, qui plaident pour davantage de prévention.
Selon un avis récent de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) sur les « morts violentes d’enfants dans le cadre familial », ces décès surviennent, le plus souvent, après une succession d’épisodes violents. La « répétition de drames pourtant fréquemment évitables » fut à l’origine de la saisine de l’organisation, à l’initiative de la députée Francesca Pasquini (Hauts-de-Seine, écologiste), membre de la délégation aux droits des enfants de l’Assemblée nationale.
Une restitution du rapport, en présence de plusieurs acteurs engagés en faveur des droits des enfants, était organisée au Palais-Bourbon le 7 février. La pédiatre Nathalie Vabres, coordinatrice de l’unité d’accueil pédiatrique des enfants en danger (Uaped) au CHU de Nantes, s’est attardée sur la question du « déni » entourant ces situations. Par exemple, « quand on découvre chez un petit des lésions dont les parents n’arrivent pas à justifier les raisons, tous les professionnels de santé cherchent d’abord à écarter toutes les autres pistes, toutes les maladies, avant de se poser la question des maltraitances », a-t-elle avancé. Pour cette experte reconnue, « notre cerveau nous empêche de penser ces violences », et « il ne faut pas minimiser les freins culturels, que même les professionnels aguerris rencontrent ». Pour les éviter, l’une des réponses est de pouvoir réfléchir « collectivement ».
Syndrome du bébé secoué
Ce regard pluridisciplinaire manque souvent dans les espaces fréquentés par les enfants, qu’il s’agisse de l’école, des activités périscolaires ou du cabinet du médecin de famille. A l’inverse, il est au cœur des Uaped, dont la mission est d’organiser la prise en charge globale, sur les plans médical et judiciaire, des mineurs victimes. Cheffe de service au centre hospitalier régional d’Orléans, Barbara Tisseron a créé une telle unité il y a quinze ans. Comme Nathalie Vabres, elle est donc en contact, au quotidien, d’enfants violentés. Elle est ainsi amenée à faire les signalements auprès du procureur de la République, quand existe un soupçon de maltraitance. En tant que médecin légiste, elle réalise en parallèle des expertises judiciaires à la suite d’infanticides.
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