Les compagnies aériennes aiment le bordeaux. Et donc, logiquement, pour nombre de châteaux, intégrer une cave volante est un enjeu de taille. C’est l’assurance d’un gros chèque en l’échange de plusieurs dizaines de milliers de bouteilles vendues en primeur, soit plusieurs années avant leur commercialisation.
Le Château Cantemerle, à Macau (Gironde), s’est lancé dans un chantier pharaonique. D’ici à deux ans, ce grand cru classé du Médoc, propriété de la SMABTP, la mutuelle des entreprises du bâtiment, sera doté d’un outil de production adapté pour accompagner une belle montée en puissance : 300 000 bouteilles produites en 2022, puis 450 000 en 2023, pour un domaine de près de 100 hectares.
A ce rythme, Cantemerle ne néglige aucune piste pour élargir sa distribution. Laure Canu, la directrice générale du domaine (ainsi que de Grand Corbin, à Saint-Emilion), a répondu à plusieurs appels d’offres de compagnies aériennes par l’intermédiaire de négociants et de courtiers de la place de Bordeaux. « Il fallait saisir sa chance de monter à bord », confie-t-elle. Le millésime 2016 du premier vin de Cantemerle sera servi en 2025 aux clients de la classe business d’Air France. « Avec huit ans de vieillissement, cette compagnie ne se moque pas de ses clients », assure Laure Canu.
A quelques kilomètres de Cantemerle, le Château de Malleret parie lui aussi sur l’aérien. Pour le Bordelais Aymar du Vivier, ambassadeur de ce cru bourgeois du Médoc et cousin des propriétaires, la question est même « existentielle » : « Il fallait qu’on y aille, à n’importe quel prix. » Malleret, en effet, revient de loin. En 2013, quand Paul Bordes en prend la direction, le domaine est à l’abandon. Des travaux sont alors lancés tous azimuts : rénovation du château aux tours du XVIe siècle, construction d’un nouveau chai aux cuves en béton ocre, nouvelle pratique de la vigne… Si certaines parcelles de raisin ne sont pas « au top » pour concocter le premier vin du domaine, elles peuvent donner « d’autres cuvées excellentes », en second vin, explique Paul Bordes. Encore faut-il arriver à les vendre.
Doper les exportations à terre
Malleret, dont les vins sont présentés comme « racés et contemporains », a donc tenté sa chance auprès d’Air France. Sur six cuvées proposées, quatre ont été retenues par la compagnie, des millésimes 2019 et 2020. « Il y a quelques mois, 2019 s’est un peu fermé. Mais, comme tous les grands millésimes, après un creux, il est reparti », juge Paul Bordes. Le château fournira jusqu’à 70 000 bouteilles sur les 220 000 produites.
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