« L’Union européenne avance sur le plan militaire, mais de façon désordonnée »

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« Qui aurait parié sur l’unité européenne dès le premier jour de l’agression russe en Ukraine et sur un soutien militaire massif de l’Union européenne ? Nous l’avons fait. » [A la Sorbonne], le 25 avril, le président de la République aurait pu ajouter : et nous avons mis l’argent qu’il faut. Pendant trente ans, la défense fut pour l’Union européenne (UE) une sorte de prêche idéalisé mais sans atteindre un vrai seuil de crédibilité. Les dépenses militaires sont devenues une composante de l’action européenne, mais les relations avec les Etats restent compliquées.

L’UE a l’expérience de la guerre. Celle des Balkans entre 1991 et 2002. Ce fut l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) qui mena les opérations. Néanmoins, à la fin, l’UE déploya une force opérationnelle en relève de l’OTAN. [En 2003], la mission « Concordia », chargée du maintien de la paix en Macédoine, fut la première opération militaire pour l’Europe. Coût pour l’UE : 6 millions d’euros.

Après l’invasion de l’Ukraine, l’UE a étoffé sa panoplie. La Facilité européenne pour la paix (FEP) permet de rembourser les armements et les munitions donnés par les Etats aux forces armées ukrainiennes. La dotation initiale, vite engloutie, a été triplée (17 milliards d’euros sur la période 2021-2027). Le fonds Act in Support Ammunition Production (ASAP) a pour ambition d’augmenter les cadences de production de munitions. Le programme European Defence Industry Reinforcement through common Procurement Act vise à encourager les commandes groupées en finançant 10 % des achats. Le Fonds européen de défense (FED) est, lui, destiné à favoriser les projets coopératifs entre entreprises de l’armement et entre Etats membres (8 milliards d’euros entre 2021 et 2027).

Pologne, futur grand de l’UE

Les dépenses militaires oscillent entre 4 et 5 milliards d’euros par an. En janvier, le commissaire européen Thierry Breton a évoqué un plan de soutien à 100 milliards d’euros. Ce plan, s’il était adopté, pourrait constituer un tournant fédéraliste en matière de défense. Pour le moment, cependant, l’Europe avance sur le plan militaire de façon désordonnée. On ne sait toujours pas qui va prendre la décision. Pour que le plan Breton permette de jeter les bases d’une industrie de défense européenne, il faudra pour cela répondre à trois questions.

Quelles entreprises ? La base industrielle doit-elle reposer sur les champions existants, ou l’UE doit-elle profiter de ces moyens pour faire naître un nouveau paysage industriel européen ? La sélection des premiers projets financés par le FED montre la recherche d’une répartition qui n’oublie personne. Choisir l’efficacité ou l’équilibre, au risque du saupoudrage ? C’est, ici aussi, la limite du « en même temps ».

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