l’ex-présidente démissionnaire d’Harvard estime avoir été victime de « mensonges et d’insultes »

3177


Claudine Gay témoigne devant une commission de la Chambre des représentants américaine, le 5 décembre 2023, à Washington.

Elle admet avoir commis des erreurs, mais Claudine Gay, la désormais ex-présidente de la prestigieuse université Harvard aux Etats-Unis, a tenu à souligner, mercredi 3 janvier, au lendemain de sa démission, avoir été la cible d’un dénigrement continu, dans un contexte lourd lié au conflit entre Israël et le Hamas.

« Ceux qui ont fait campagne sans relâche pour m’évincer depuis l’automne ont souvent fait usage de mensonges et d’insultes ad hominem, pas d’arguments raisonnés », écrit, dans un éditorial publié par le New York Times, l’universitaire qui a quitté son poste après des accusations de plagiat, mais surtout des critiques liées à ses réponses lors d’une audition parlementaire sur la lutte contre l’antisémitisme sur les campus américains.

Depuis l’attaque sanglante du Hamas en Israël le 7 octobre, suivie de bombardements dévastateurs de l’armée israélienne dans la bande de Gaza, le conflit déchaîne les passions dans les universités américaines les plus renommées.

Le 5 décembre, dans une atmosphère tendue, Claudine Gay et ses homologues de l’université de Pennsylvanie et du Massachusetts Institute of Technology (MIT) avaient répondu cinq heures durant aux questions de parlementaires.

Lorsque l’élue républicaine Elise Stefanik avait demandé si « appeler au génocide des juifs violait le règlement sur le harcèlement à Harvard, oui ou non ? », Claudine Gay avait répondu : « Cela peut, en fonction du contexte », avant d’ajouter : « Si c’est dirigé contre une personne ». Sa réponse et celle de ses homologues, visiblement soucieuses de ne pas remettre en cause le sacro-saint droit à la liberté d’expression, avaient provoqué un tollé jusqu’à la Maison Blanche.

« Ce qui vient de se passer à Harvard me dépasse »

« Oui, j’ai commis des erreurs. Dans ma première réaction aux atrocités du 7 octobre, j’aurais dû affirmer avec plus de force ce que toutes les personnes de bonne conscience savent : le Hamas est une organisation terroriste qui cherche à éradiquer l’Etat juif », dit Mme Gay dans cette tribune titrée « Ce qui vient de se passer à Harvard me dépasse », arguant être ensuite tombée dans « un piège bien tendu » lors de son audition devant le Congrès.

Plus de 70 parlementaires, dont deux démocrates, ainsi que des anciens étudiants et des donateurs de renom, avaient alors réclamé le départ de Mme Gay. La présidente avait toutefois reçu le soutien de la communauté éducative et avait été maintenue mi-décembre dans ses fonctions, avant de finalement prendre la décision de quitter son poste, mardi.

La présidente de l’université de Pennsylvanie, Elizabeth Magill, avait, elle, démissionné quatre jours seulement après son audition devant le Congrès.

« La campagne contre moi allait au-delà d’une seule université et d’une seule dirigeante. Ce fut à peine une escarmouche dans une guerre plus large visant à saper la confiance publique dans les piliers de la société américaine », lance Mme Gay comme « avertissement ».

Le Monde Application

La Matinale du Monde

Chaque matin, retrouvez notre sélection de 20 articles à ne pas manquer

Télécharger l’application

« Les campagnes de ce type commencent souvent par des attaques contre l’éducation et l’expertise, car ce sont les outils qui permettent le mieux aux communautés de voir clair dans la propagande », explique-t-elle. « Les institutions de confiance de tous types − des agences de santé publique aux organes de presse − continueront à être victimes de tentatives coordonnées visant à saper leur légitimité et à ruiner la crédibilité de leurs dirigeants », prévient cette professeure de sciences politiques qui était devenue, en juillet 2023, la première présidente noire de la célèbre université américaine située près de Boston.

Des messages à caractère raciste

« Il ne m’échappe pas que je constitue une toile idéale pour projeter toutes les inquiétudes relatives aux changements générationnels et démographiques qui se déroulent sur les campus américains : une femme noire choisie pour diriger une institution de renom », avance-t-elle également, expliquant avoir reçu de nombreux messages à caractère raciste.

A la suite de l’audience devant le Congrès, la carrière universitaire de Mme Gay a été soumise à un examen minutieux de la part de militants conservateurs qui ont mis au jour plusieurs cas de plagiat présumé dans sa thèse de doctorat de 1997. Même si elle reconnaît des erreurs d’attribution dans certains de ses écrits, elle affirme n’avoir « jamais déformé les résultats de [ses] recherches et [n’avoir] jamais revendiqué le mérite des recherches d’autrui ».

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Comment la guerre Israël-Hamas a déchiré Harvard

Le Monde avec AP et AFP



Source link