« Les violations de la justice sociale dans l’Eglise font le lit des violences sexuelles »

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Evénement inédit, le Vatican est en proie à un conflit social. Des salariés du plus petit Etat du monde menacent de traduire en justice les autorités ecclésiales. Cette affaire révèle l’existence de conditions de travail dégradées dans l’Eglise catholique. Elle atteste également un changement de culture qui s’opère par le bas. Désormais, des employés d’institutions ecclésiales sont disposés à entamer des démarches en justice pour que l’Eglise catholique mette en application sa propre doctrine sociale. La cohérence de l’Eglise catholique se trouve ici questionnée.

A la fin du XIXe siècle, dans le contexte d’une industrialisation débridée, le pape Léon XIII [1878-1903] avait forgé en effet les principes d’une doctrine sociale de l’Eglise dans l’encyclique Rerum novarum (1891). Le document revêt une telle importance que Jean Paul II [1978-2005] juge nécessaire de le célébrer encore cent ans après dans une autre encyclique, Centesimus annus.

La naissance de la doctrine sociale de l’Eglise coïncide avec le développement d’un christianisme dit « social », qui vise à remédier aux inégalités criantes dans le monde. Le propos n’est pas sans arrière-pensée apologétique : l’Eglise catholique est alors en train de perdre le contact avec les masses ouvrières.

Pour autant, la mise en œuvre de la doctrine sociale au sein même de l’Eglise demeure un point aveugle. Si elle investit largement les champs de la morale sexuelle et de la morale sociale, elle déserte celui de la morale dans ses propres institutions.

La prise de conscience de la nécessité que l’Eglise doit elle-même fonctionner, en interne, en accord avec sa promotion de la justice sociale dans la société civile est relativement récente, et encore inachevée – le refus d’assumer le caractère politique de son organisation institutionnelle n’y est pas étranger.

Raviver cette prise de conscience

Le synode des évêques de 1971, qui a traité de la justice dans le monde, constitue une pierre milliaire de cette prise de conscience. Sous l’égide de l’économiste britannique Barbara Ward (1914-1981), laïque et première femme à prendre la parole lors d’un synode, l’assemblée reconnaît alors que « l’égalité de traitement et de promotion doit être donnée aux laïcs » dans l’Eglise catholique (Justitia in Mundo n. 44). Le code de droit canonique de 1983 signale encore que les laïcs qui travaillent pour l’Eglise catholique ont « le droit à une honnête rémunération selon leur condition et qui leur permette de pourvoir décemment à leurs besoins et à ceux de leur famille, en respectant aussi les dispositions du droit civil » (can. 231 § 1).

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