« Les Ukrainiens ont gagné la bataille de la Seine »

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L’idéal de la paix par le sport n’a jamais paru aussi éloigné. Au terme d’une semaine de tensions inédites depuis la fin de la guerre froide, le Comité international olympique (CIO) et la Russie s’observent comme les deux Corées de part et d’autre de leur frontière démilitarisée. Spectatrice attentive de l’escalade entre Lausanne et Moscou, l’Ukraine, elle, en est ressortie renforcée.

Excédé par « l’agressivité » croissante de la Russie à son égard, le CIO, longtemps accusé de complaisance envers Moscou, a distribué les uppercuts mardi 19 mars : exclusion des athlètes russes et biélorusses de la cérémonie d’ouverture olympique sur la Seine ; condamnation ferme des Jeux de l’amitié, ces « contre-JO » que la Russie cherche à réhabiliter en septembre ; renforcement du cadre de neutralité, condition de la participation des athlètes des deux pays parias…

Groggy par ces nouvelles « humiliations », le pouvoir poutinien a alors versé dans la surenchère et l’injure, accusant le CIO de « basculer dans le racisme et le néonazisme ». La rhétorique n’est pas nouvelle, les mêmes arguments avaient été utilisés contre Kiev pour justifier l’invasion de l’Ukraine fin février 2022.

Les Ukrainiens, justement, boivent du petit-lait. Depuis deux ans, ils font du lobbying à tous crins contre la présence des Russes aux Jeux de Paris. « Le CIO a clairement indiqué que la Russie n’avait pas sa place dans le sport international », s’est félicité mercredi le ministre ukrainien des sports, Matvi Bidny, après la décision du CIO, « très attendue ».

Victoire symbolique pour Kiev

Bousculé par les troupes russes sur le terrain militaire, Kiev vient donc de remporter sur le front olympique une première victoire. Pas la plus décisive mais assurément la plus symbolique : la « bataille de la Seine ». Car il y a fort à parier que la délégation jaune et bleu recevra un accueil chaleureux le long des six kilomètres de berges le 26 juillet. Malheur aux absents, les images feront l’histoire.

Mais ce n’est pas suffisant aux yeux des Ukrainiens. Pour Kiev, aucun Russe, neutre ou pas, ne doit voir Paris. Le simple fait qu’ils soient détenteurs d’un passeport russe les disqualifie d’office, estime Matvi Bidny. « En Russie, les sports et les athlètes sont utilisés comme des instruments de la guerre hybride contre le monde civilisé », a commenté le ministre ukrainien des sports sur le média Tribuna.com.

En coulisses, Kiev active ses réseaux. Les contacts avec le CIO et le gouvernement français sont réguliers ; des clips sur les réseaux sociaux appellent au boycott des Russes ; l’Ukraine tient à jour une liste, publiée début février, de sportifs qui ne respectent pas les critères de neutralité imposés par Lausanne, preuves à l’appui. Et une pétition signée à ce jour par plus de 260 athlètes ukrainiens a été envoyée à la fin de l’été 2023 au président Macron et aux organisateurs français des Jeux, réclamant l’exclusion totale des Russes et des Biélorusses…

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