« Les professeurs n’ont pas renoncé à faire comprendre l’utilité de la politique, mais la tâche est ardue »

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Lorsqu’un professeur aborde en classe le sujet de la politique, il faut éviter deux écueils. Tout d’abord, celui de la nostalgie, en tentant de faire revivre un passé mythifié : les turpitudes de femmes et hommes politiques ne datent pas d’hier. Simplement, elles étaient moins facilement médiatisées. Combien de potentats locaux, cumulant les mandats électoraux, ont bénéficié de la mansuétude de la police et de la justice ?

Et puis, les circonstances de l’après-guerre et des « trente glorieuses » leur étaient favorables. Il fallait reconstruire le pays, la direction à suivre était claire pour les citoyens, et le partage des fruits de la croissance donnait moins envie de s’intéresser aux pratiques des décideurs. Aujourd’hui, la tâche des femmes et hommes politiques est plus compliquée. On les surveille davantage et les thèmes à traiter comme le chômage, le vieillissement de la population, l’immigration, la transition énergétique, etc., sont plus anxiogènes.

L’autre écueil, alors qu’un professeur veut privilégier un propos transpartisan, c’est qu’il risque de hérisser les défenseurs des différents camps, en particulier celui du président qui est aux manettes. On n’oublie pas pourtant les querelles intestines entre Jacques Chirac et Valéry Giscard d’Estaing ou entre François Mitterrand et Michel Rocard. On se souvient des peaux de banane complaisamment jetées sous les pieds d’Edith Cresson, première femme première ministre de la Ve République. On a du mal aussi à oublier les costumes de François Fillon et les mensonges de Jérôme Cahuzac à l’Assemblée nationale. Il n’empêche que ce temps long de la politique ne parle pas à nos élèves, et leur expérience, leurs sentiments et ressentiments se nourrissent de l’actualité.

Désabusés, exaspérés, mais pas découragés

La séquence du remaniement en début d’année 2024 n’est pas de nature à faire aimer aux élèves la politique, si j’en crois les retours entendus dans mes classes. Avec bon sens, ils ont trouvé bien généreux de considérer le bilan de Gabriel Attal comme positif, en tant que ministre de l’éducation nationale, alors qu’il n’a été en fonctions que six mois. Eux retiennent surtout des mesures qui ne plaisent pas spécialement aux jeunes, comme chanter La Marseillaise, porter un uniforme, redoubler et refaire des groupes de niveaux en collège.

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Avec malice, les lycéens ont découvert les erreurs étonnantes de l’ex-nouvelle ministre de l’éducation nationale, Amélie Oudéa-Castéra. « Elle ne semble pas beaucoup aimer les profs du public », m’ont-ils dit. Sa défense, lorsqu’elle dit que la réalité lui « donne tort », les a emballés. Ils ont promis de la réutiliser dès qu’ils auront des difficultés avec leurs professeurs ou leurs parents. Ils ont ri plus jaune quand ils ont appris qu’un fils de l’ex-ministre aurait, comme d’autres, profité d’un contournement de Parcoursup, système d’orientation qui les angoisse.

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