« Les groupes de niveau viennent percuter la motivation et l’estime de soi, et donc la réussite scolaire »

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Les économistes Yann Algan et Elise Huillery, respectivement professeur à HEC et à l’université Paris-Dauphine, et auteurs d’Economie du savoir-être (Les Presses de Sciences Po, 2022), travaillent sur l’impact des compétences sociales et comportementales sur la réussite scolaire. Ils reviennent, à l’aune de leurs recherches, sur les réformes annoncées par le ministre de l’éducation nationale.

L’objectif d’élever le niveau des élèves français qu’a fixé le ministre de l’éducation nationale, Gabriel Attal, ne peut se faire, selon vous, qu’en incluant les compétences sociales et comportementales. Pourquoi ?

Yann Algan : Les résultats de l’édition 2022 de PISA, le programme international pour le suivi des acquis des élèves, le prouvent une nouvelle fois : 46 % des élèves français pensent que leur intelligence peut se développer contre 58 % en moyenne dans l’OCDE. Autrement dit, la majorité des élèves français jugent qu’ils sont mauvais en mathématiques « par nature ». Rien ne sert alors d’ajouter des heures de mathématiques dans les emplois du temps si, dès le départ, ces adolescents sont persuadés qu’ils ne peuvent pas progresser. C’est cet état d’esprit de développement, ce « growth mindset », comme disent les Anglais, qu’il faut faire évoluer. Les élèves doivent pouvoir changer de posture et acquérir la conviction que leur intelligence n’est pas fixe, qu’elle se développe comme un muscle.

Elise Huillery : Les compétences sociales et comportementales désignent notamment la confiance en soi, la motivation, la persévérance ou encore la coopération. Elles ont un impact positif sur la réussite scolaire et sur l’insertion professionnelle, comme le montre la recherche depuis quelques décennies. Les travaux que nous avons menés sur cinq ans avec l’association Energie Jeunes dans des collèges d’éducation prioritaire sont, à ce titre, éloquents : un programme de seulement trois heures par an sur ces sujets pendant les quatre années du collège peut déjà amorcer un changement d’état d’esprit et améliorer les résultats scolaires.

Face à ces constats, la constitution de groupes de niveau voulue par Gabriel Attal en mathématiques et en français au collège suscite votre inquiétude, comme vous l’avez écrit avec d’autres chercheurs, dans une tribune au « Monde », en amont de ces annonces. Pourquoi ?

Y. A. : Oui, nous sommes inquiets que ces groupes de niveau viennent percuter la motivation et l’estime de soi, et donc la réussite scolaire. Il va falloir des mesures d’accompagnement extrêmement fortes pour que les élèves les plus faibles ne se figent pas dans un état d’esprit fataliste.

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