les femmes transgenres devront obtenir une autorisation pour participer aux compétitions féminines

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Faut-il prendre en compte le genre dans une discipline purement intellectuelle ? A compter du 21 août, la participation des femmes transgenres aux compétitions féminines de haut niveau sera soumise à une demande d’autorisation examinée au cas par cas. Une décision prise par la Fédération internationale des échecs (FIDE) jugée pour le moins déconcertante.

« Dans le cas où le genre a été changé d’homme à femme, la joueuse n’a pas le droit de participer aux épreuves pour femmes jusqu’à ce qu’une nouvelle décision de la FIDE soit prise », peut-on lire dans un communiqué publié le 14 août et qui a fait réagir outre-Atlantique. Le processus de validation pourra prendre jusqu’à deux ans, précise l’organisation. Dans l’intervalle, les femmes transgenres peuvent concourir uniquement dans les tournois mixtes.

La FIDE explique recevoir de plus en plus de demandes de reconnaissance de membres s’identifiant comme transgenres. D’où la nécessité de revoir son règlement, dit-elle.

« Le changement de genre est un changement qui a une incidence significative sur le statut d’un joueur et sur son éligibilité future aux tournois, il ne peut donc être effectué que si une preuve pertinente du changement est fournie », justifie la FIDE, en citant par exemple un certificat de naissance et une pièce d’identité conforme au genre ressenti. L’organisation assure qu’elle « reconnaîtra l’identité de genre d’un individu si elle est cohérente avec l’identité qu’elle entretient dans sa vie [courante] et qui a été confirmée par les autorités nationales dans le cadre d’un changement légal et formel ».

Cette nouvelle réglementation ne s’applique pas aux hommes transgenres. A noter qu’il n’existe pas de compétitions d’échecs réservées aux hommes : les tournois sont soit mixtes, soit féminins. La raison ? Les championnats mixtes sont presque exclusivement disputés par des hommes. La catégorie féminine a donc été pensée afin d’encourager les femmes à investir une discipline historiquement très masculine. En 2018, les femmes ne représentaient que 20 % des licenciés de la Fédération française des échecs.

Mais certains joueurs et joueuses dénoncent un effet pervers : incitées à jouer sur le circuit féminin, les femmes affrontent rarement les hommes. Or, étant donné que les joueurs sont beaucoup plus nombreux que les joueuses, il y a plus de chances d’être confronté à de très bons joueurs en catégorie mixte qu’en catégorie féminine.

« Boucs émissaires »

Dans son communiqué en date du 14 août, la FIDE précise toutefois que, concernant les hommes transgenres, ces derniers seront déchus de tous les titres qu’ils auraient obtenus dans la catégorie féminine avant leur transition. Seule possibilité pour les regagner : la personne devra prouver auprès de la Fédération qu’elle a « détransitionné » (c’est-à-dire qu’elle est revenue à son genre initial, celui attribué à sa naissance). Les femmes transgenres seront quant à elles autorisées à conserver tous leurs titres remportés avant leur transition.

Plusieurs voix se sont élevées pour critiquer la décision de la FIDE. « La FIDE semble sous-entendre que les femmes trans[genres] seraient injustement avantagées par rapport aux femmes cis[genres] sur le plan intellectuel, comme si le fait de se voir assigner une identité sexuelle masculine à la naissance rendait plus intelligent de manière innée », dénonce le site féministe américain Jezebel, qui évoque une réglementation « merdique et sectaire ». L’article pointe également le manque de cohérence lié à la différence de traitement selon que l’on soit une femme transgenre ou un homme transgenre.

Jezebel rappelle, par ailleurs, l’existence de nombreuses polémiques concernant la place des athlètes transgenres dans les compétitions sportives de haut niveau. L’argument invoqué, et néanmoins sujet à caution, étant que les femmes transgenres auraient un avantage biologique injuste en matière de force et de vitesse par rapport aux femmes cisgenres. Le raisonnement est d’autant moins audible « dans le domaine des échecs, où le physique n’a pas sa place. C’est un jeu de stratégie », souligne l’article.

« Je ne pense pas être plus intelligente que la plupart des femmes cis, et je ne pense pas non plus que mes années de pré-transition m’aient donné une sorte d’avantage inné aux échecs », pointe Ana Valens, journaliste transgenre et joueuse d’échecs, sur le site The Mary Sue.

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« Serai-je autorisée à disputer le Championnat de France dans trois jours ? La Coupe d’Europe (…) en septembre ? », s’est de son côté inquiétée sur X (anciennement Twitter) la joueuse transgenre Yosha Iglesias. Dans un autre message posté sur le réseau social, Yosha Iglesias a exhorté la Fédération à ne pas faire des femmes transgenres des « boucs émissaires ». « Nous contribuons au développement des femmes dans les échecs », ajoute-t-elle.

Le Monde

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