Les centres sociaux, fragiles remparts face au recul des services publics

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« Où est-ce qu’on a merdé ? » En cette semaine de « l’après », les questions se bousculent dans la tête de Christelle Priet, à la tête du centre social de la communauté de communes du pays Châtillonnais, à Châtillon-sur-Seine (Côte-d’Or). Non pas que les scores élevés du Rassemblement national (RN) aux élections européennes du 9 juin l’aient surprise, dans ce territoire enclavé qui cumule les indicateurs de fragilité. « Ça fait des années qu’on est en première ligne des émotions les plus difficiles, des années qu’on voit monter tout ça », soupire la directrice, très attachée à son territoire.

« Tout ça. » Comprendre : la précarisation de l’emploi, la fermeture de la fonderie de Bourgogne et du site d’ArcelorMittal, la disparition d’une série de guichets, de services hospitaliers, de classes… Et puis, les kilomètres de route jusqu’à Montbard, « pour parfois se casser le nez au guichet », les démarches en ligne « auxquelles on ne comprend rien », l’impression de « devoir attendre pour tout », de n’avoir plus prise sur rien, « de se faire sans cesse avoir ».

Il y a aussi la file des Restos du cœur, qui ne cesse de s’allonger. Ces réflexions racistes qui se banalisent. « Certains ont la conviction d’être lésés par rapport aux demandeurs d’asile du centre d’accueil pour demandeurs d’asile voisin, que leurs dossiers seraient traités plus vite sans les immigrés. » Une mise en concurrence des misères, instrumentalisée par la rhétorique xénophobe de l’extrême droite. « On passe notre temps à faire de la pédagogie, à tenter de démêler les idées reçues, à rappeler que l’absence d’immigrés ne changerait rien aux lourdeurs administratives, dit Mme Priet. Mais c’est très dur à déjouer. Surtout quand c’est ancré dans les mentalités. »

« Discours antitout »

Des difficultés partagées par ses collègues ailleurs sur le territoire. Notamment dans les centres sociaux situés en zone rurale – lesquels représentent 22 % des 2 283 structures maillant le territoire. Là où la dégradation de l’accès aux services publics se ressent plus fortement qu’en ville, faute d’autre solution de proximité. Là où le RN creuse depuis des années son sillon, exploitant le sentiment d’abandon.

Directeur du centre social de Sury-le-Comtal (Loire), une commune où brassent divers milieux sociaux, plusieurs communautés et où le RN a obtenu 48,1 % des suffrages lors du scrutin du 9 juin, Jean-Baptiste Willaume est lui aussi témoin d’une « porosité aux discours antipauvres, anti-immigrés, antiprofiteurs, antijeunes ». Au point d’avoir décidé de faire de la lutte contre les idées reçues une priorité. « C’est le gros chantier, surtout en zone rurale. On organise des banquets citoyens, des repas du monde, on tente de tirer les discussions vers le haut mais, par moments, on ne sait pas par quel bout le prendre », reconnaît-il, frappé par l’« effet fédérateur de ces discours antitout devenus, pour certains, un outil de convivialité ».

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