les bonnes feuilles de « Tueurs à gages. Enquête sur le nouveau phénomène des shooters »

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[C’est peut-être l’un des dossiers d’instruction les plus troublants du moment en matière de criminalité organisée : celui des meurtres perpétrés par le jeune Matéo, 18 ans, tueur attitré de la DZ Mafia, un puissant groupe de narcotrafiquants qui contrôle désormais le sud de la France. Les auteurs du livre Tueurs à gages. Enquête sur le nouveau phénomène des shooters reviennent longuement sur son parcours, en s’appuyant notamment sur des éléments inédits de l’enquête. Extraits.]

Jeudi 6 avril 2023. Un paysage digne de Cézanne défile à travers les vitres teintées des trois berlines de la police judiciaire de Marseille. Pare-chocs contre pare-chocs, sirènes hurlantes, les voitures banalisées quittent l’autoroute et foncent dans un quartier résidentiel de Gardanne. Elles s’engagent dans une impasse bordée de pavillons cossus, option piscine et terrasses exposées plein sud, et pilent devant une coquette maison de trois étages, aux tuiles rouges et volets blancs. Une terrasse en bois, une piscine surplombée d’un arbre majestueux aussi haut que la demeure, des chaises longues et une table de jardin invitent à un doux repos provençal.

11 h 35. Gilets « Police judiciaire » floqués sur le dos, sept enquêteurs de la brigade criminelle, accompagnés de deux chiens spécialisés dans la recherche d’armes et de stupéfiants, franchissent le portail blanc et s’engagent sur l’allée de graviers qui traverse le petit jardin. Parmi eux, encadré par deux brigadiers, menotté et surveillé comme un criminel de haut niveau, un gamin chétif de 1,70 mètre s’apprête à rentrer chez sa mère. Le jeune homme a le front rongé par l’acné et les joues cachées par un bouc mal taillé, ses longs cheveux noirs tombent jusqu’au bas du dos. Caché sous son blouson, il ressemble à un lycéen amateur de hard-rock comme tant d’autres. Pourtant Matéo, 18 ans, est soupçonné d’avoir assassiné, trois jours plus tôt, deux adolescents devant un snack du quartier de la Joliette, près du Vieux-Port de Marseille.

Durant des heures, les enquêteurs passent au peigne fin le pavillon de 140 mètres carrés. Ils ne trouvent rien au rez-de-chaussée, montent au premier étage et inspectent une chambre d’enfant, occupée par le petit dernier, puis ils fouillent la bibliothèque et la buanderie. Toujours rien. Ils entrent enfin dans la chambre de Matéo, une pièce d’environ 8 mètres carrés, sommairement meublée : un lit une place, une table, une petite bibliothèque… Les placards sont étrangement vides de tout vêtement. Les policiers se tournent vers Matéo : « Ils se trouvent maintenant dans la chambre de mon frère Enzo [le prénom a été modifié]. » En effet, dans la chambre du jeune Enzo, des vêtements jonchent le sol et le lit. Deux paires de baskets attirent l’attention des enquêteurs, des Nike TN vert, rose et mauve. Elles sont de taille 38,5 et 39, la pointure de Matéo, qui les reconnaît immédiatement et lance :

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