L’Eglise embarrassée par les œuvres signées de prêtres prédateurs

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Les mosaïques réalisées par l’artiste et prêtre Marko Rupnik, sur la façade de la basilique Notre-Dame-du-Rosaire, à Lourdes (Hautes-Pyrénées), le 31 mars 2023.

Le 11 mai, le sanctuaire de Notre-Dame d’Aparecida, dans la ville homonyme située dans l’Etat de Sao Paulo, au Brésil, inaugurera la façade sud de la basilique, fraîchement décorée. Pour le père Eduardo Catalfo, recteur du plus grand complexe catholique au monde, après le Vatican à Rome, ce sera jour de fête. L’occasion de mobiliser les foules et de lever des fonds pour poursuivre son grand chantier.

Mais tous ne partagent pas son enthousiasme. Une pétition réunissant plus de cinq mille signatures a récemment été lancée pour réclamer le retrait des mosaïques, signées du prêtre et artiste Marko Rupnik. Son nom ne dira rien aux habitués des grands raouts arty, à Bâle (Suisse), Venise (Italie) ou Miami (Etats-Unis). Dans le monde de l’art sacré, en revanche, c’est une star tombée de son piédestal, en décembre 2022, quand une quarantaine de femmes l’ont accusé d’emprise et d’agressions sexuelles, perpétrées entre 1985 et 2018. Malgré la disgrâce, le carnet de commandes de l’ancien jésuite ne désemplit pas.

Sous la pression grandissante de l’opinion publique, pourtant, les instances ecclésiastiques se demandent s’il faut conserver ses décors bibliques, composés de figures expressives et de couleurs chatoyantes, qui ornent de nombreux lieux de culte dans le monde, tels que la chapelle privée du pape dans l’enceinte du Vatican, qualifiée, en 2008, par La Croix, de « chapelle Sixtine du IIIe millénaire ». Doit-on les maintenir, au nom de la présomption d’innocence et du droit d’auteur ? Ou les bannir en vertu du respect dû aux victimes présumées ?

Depuis un an, ces questions taraudent Mgr Jean-Marc Micas, évêque du diocèse de Lourdes (Hautes-Pyrénées), où Rupnik a décoré, en 2008, la façade de la basilique Notre-Dame-du-Rosaire. Le prélat, qui a mis en place un groupe de réflexion composé de prêtres, de psychologues et de victimes, n’a pas souhaité répondre aux questions du Monde. Mais il a fait savoir qu’il se prononcerait au printemps sur le sujet.

Le « Picasso des églises »

Le diocèse de Versailles n’a, lui, pas tergiversé. En décembre 2023, il a rompu sa collaboration avec Rupnik, qui devait décorer la future église Saint-Joseph-le-Bienveillant, à Voisins-le-Bretonneux (Yvelines). « Une décision évidente, déclare sans barguigner le curé de la paroisse, le père Pierre-Hervé Grosjean. Il était inimaginable pour nous de continuer à faire affaire avec Marko Rupnik, vis-à-vis des victimes présumées comme vis-à-vis de nos paroissiens. » En novembre 2023, un nouvel artiste, Augustin Frison-Roche, a été désigné pour réaliser non plus des mosaïques, mais des fresques. « On ne voulait surtout rien qui, dans le style, puisse rappeler, de près ou de loin, Rupnik », précise le père Grosjean.

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