le réveil tardif de l’UE

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Chaîne de production de véhicules électriques Leapmotor dans une usine de Jinhua (Chine), le 26 avril 2023.

Longtemps critiquée pour sa naïveté en matière de libre-échange, l’Union européenne (UE) se rebelle enfin. La Commission de Bruxelles s’est dite prête, mercredi 12 juin, à imposer une forte augmentation des droits de douane sur les importations de véhicules électriques fabriqués en Chine. Après les élections européennes, face à une opinion publique qui réclame davantage de protection, cette décision rompt avec la passivité qui était reprochée à l’UE dans sa façon d’aborder la mondialisation.

Ce tournant est le fruit d’une enquête de plusieurs mois, qui met en lumière les aides publiques massives, dont les constructeurs chinois bénéficient afin de pouvoir produire à des coûts défiant toute concurrence. Selon Bruxelles, les subventions accordées par le pouvoir chinois créent des distorsions substantielles que l’UE veut compenser dès le mois de juillet par des taxes pouvant aller jusqu’à 48 %, contre 10 % aujourd’hui.

Cette enquête est utile à plus d’un titre. D’abord elle permet de déconstruire le récit que Pékin tente d’imposer, selon lequel la Chine serait respectueuse des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), à l’inverse des Etats-Unis, qui ont décidé ouvertement de s’en affranchir non seulement en paralysant son fonctionnement, mais aussi en bafouant ses principes avec l’Inflation Reduction Act (IRA), un vaste programme de subventions publiques.

Avec méthode, la Commission démontre que, même si l’on pouvait s’en douter, la Chine n’est en rien le membre modèle de l’OMC qu’elle prétend être. De l’extraction minière à la construction d’usines d’assemblage en passant par les facilités de financement accordées tout au long du processus industriel, les subventions publiques sont bien présentes à chaque étape. Rétablir des règles équitables n’est en rien du protectionnisme.

Le reste du monde ne peut rester passif

La mise en œuvre de taxes sur les importations de véhicules électriques permet également d’envoyer un signal clair à Pékin. Plombée par la crise immobilière et la faiblesse de la demande, la Chine a multiplié ces derniers mois les investissements industriels destinés à l’exportation pour compenser le ralentissement de la croissance. Cette orientation risque de provoquer une crise de surproduction qui elle-même menace l’équilibre macroéconomique mondial. Le reste du monde ne peut rester passif.

D’autres pays, comme les Etats-Unis, la Turquie, l’Inde ou le Brésil, ont déjà décidé unilatéralement de droits de douane sur les exportations de véhicules électriques en provenance de Chine. Pékin crie à l’injustice, en oubliant de rappeler que le marché chinois a été lui-même soumis à une réglementation discriminante comme l’impossibilité pour un constructeur étranger de contrôler un fabricant local.

Même si l’UE a pris la précaution d’argumenter ses critiques et de calibrer les taxes en fonction du niveau de subventions accordé et de coopération des constructeurs chinois à l’enquête, elle s’expose désormais à des mesures de rétorsion. Pour la cohérence des Vingt-Sept, il s’agit d’un moment de vérité, car chacun a des intérêts divergents. L’Allemagne, qui est extrêmement dépendante des échanges avec la Chine – mais aussi la Suède et la Hongrie, qui accueillent déjà des constructeurs chinois –, ne veut pas se brouiller avec Pékin.

Les Etats membres ont jusqu’au 15 juillet pour se prononcer. En dépit des effets collatéraux que ces taxes risquent de provoquer, il est indispensable que les Vingt-Sept restent soudés. Il y va de la crédibilité de la Commission européenne, mais surtout des intérêts et des emplois industriels du continent.

Le Monde

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