Le quasi-cristal le plus grand du monde fabriqué à l’université Paris-Saclay

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Trois représentations d’un quasi-cristal fait de billes d’acier de moins de 3 millimètres de diamètre. En noir et blanc, la structure telle qu’elle apparaît à l’œil nu. A droite, l’identification des trois configurations adoptées par les billes (carrés, triangles). En bas à gauche, image de diffraction de la lumière attestant de sa nature quasi cristalline.

Ni tout à fait ordonné comme un cristal, ni tout à fait désordonné, comme un gaz ou un fluide, un quasi-cristal est un objet fascinant. Jusque dans les années 1980, on pensait même qu’il n’existait que dans la tête des mathématiciens (qui parlent de pavage apériodique). En étant le premier à en fabriquer dans ses éprouvettes, le chimiste israélien Dan Shechtman a reçu le prix Nobel en 2011 et a forcé ses collègues à changer la définition même d’un cristal.

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Une révolution sans doute moins importante a eu lieu cette fois dans un laboratoire de physique, à Orsay (Essonne) : l’obtention d’un quasi-cristal « géant » à base de billes d’acier de moins de 3 millimètres de diamètre. A l’œil, on ne voit aucun motif se répéter et le désordre semble régner. Mais en réalité la structure n’est pas totalement désordonnée. Plus exactement la lumière qui la traverse est dispersée, à la manière de rayons X scrutant la matière, non pas sous forme de cercles concentriques comme cela serait le cas pour un matériau désordonné, mais sous forme d’une constellation de pics lumineux. Preuve qu’un ordre invisible est bel et bien là.

Giuseppe Foffi, professeur à l’université Paris-Saclay, avoue « s’être bien amusé » à fabriquer ce curieux objet qu’il décrit avec ses collègues dans Nature Physics du 19 janvier. D’autant qu’il est théoricien et pas expérimentateur. Chance du « débutant » sans doute, l’expérience, menée avec Andrea Plati, a marché tout de suite (mais en s’alliant avec des collègues plus chevronnés en matière de manipulation). « Il a suffi que nous appliquions les paramètres issus de nos simulations », témoigne le physicien qui a eu l’idée de ce défi pendant les confinements des périodes covid.

Cette idée n’est pas tombée du ciel car l’équipe avait déjà décrit le paysage complexe des cristaux et des quasi-cristaux, mais à une échelle plus petite, celle des colloïdes, des particules de quelques micromètres de diamètre en suspension dans un fluide.

Agitation mécanique

Une différence est que ces colloïdes bougent naturellement par agitation thermique. Pas les billes d’acier. Pour façonner les quasi-cristaux, les chercheurs ont donc remplacé la température par une agitation mécanique, en faisant vibrant un plateau de dix centimètres par dix centimètres remplis de grosses billes (2,4 millimètres de diamètre) et de petites (1,2 mm). « A 350 coups par seconde, ça s’entend. Le labo était bruyant ! », se souvient Giuseppe Foffi. Si l’agitation est trop lente, aucune organisation n’apparaît. Si elle est trop forte, les grosses billes se séparent des petites. Il faut aussi une proportion bien choisie de petites billes (environ 70 %).

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