le poète dissident Lev Rubinstein meurt après avoir été renversé par un chauffard

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Lev Rubinstein, à Paris, en 2004.

« Mon papa, Lev Rubinstein, est mort aujourd’hui », a écrit Maria Rubinstein, sa fille, sur son blog sur le site Live Journal, une annonce reprise dans les médias russes. En une ligne, elle annonce, dimanche 14 janvier, la mort, à l’âge de 76 ans, du poète russe, figure de la dissidence soviétique et critique du Kremlin.

L’agence officielle Interfax et le site d’information de l’opposition Meduza rapportent que Lev Rubinstein avait été percuté le 8 janvier par un automobiliste alors qu’il traversait une rue de la capitale, puis hospitalisé à l’institut Sklifosovsky dans un état gravissime, souffrant de nombreuses fractures et de traumatismes crâniens.

Dans un communiqué, le département des transports de Moscou avait annoncé que le chauffeur n’avait pas ralenti avant un passage piéton et renversé le poète, précisant que, selon des données préliminaires, le propriétaire de la voiture avait été impliqué dans dix-neuf violations du code la route lors des douze derniers mois.

Du « conceptualiste » moscovite à la critique du régime poutinien

Né en 1947 à Moscou, bibliothécaire de formation, Lev Rubinstein était l’une des figures de la scène littéraire underground soviétique des années 1970 et 1980, une « nouvelle avant-garde » se voulant inventive et insolente. Il était considéré comme l’un des fondateurs, dans les années 1970, du mouvement « conceptualiste » moscovite, qui tournait en dérision la doctrine officielle du réalisme socialiste et s’en voulait le contre-pied.

Attaché au rythme, Lev Rubinstein avait créé un genre à part, le « texte-sur-fiche », relevant à la fois de la poésie et du théâtre : le poète lisait sur scène de courtes phrases, à haute voix, écrites sur des fiches perforées.

La pratique, inspirée de son quotidien de bibliothécaire et référence à la sinistre bureaucratie de l’époque soviétique, mêlait performance, comique absurde et improvisation. Avec l’idée de secouer l’engourdissement du soviétisme.

Après la dislocation de l’URSS, sa notoriété a grandi en Russie. Il est publié dans des maisons d’édition réputées et travaille aussi comme journaliste. Il est invité dans des festivals internationaux de poésie et ses œuvres sont traduites dans de nombreuses langues. En 1999, il avait remporté le prix Andreï-Biély, récompense littéraire indépendante lancée en 1978. En 2012, il avait reçu un prix Nos, décerné par la fondation Mikhaïl Prokhorov, qui récompense une œuvre en prose en russe.

Parallèlement, le poète n’avait pas caché ses opinions hostiles au régime poutinien, dénonçant les répressions politiques, les violations des droits humains, et participant à des manifestations d’opposition. En mars 2022, avec d’autres écrivains russes, il avait signé une lettre ouverte qualifiant l’attaque à grande échelle de l’Ukraine par l’armée russe de « guerre criminelle » et fustigeant les « mensonges » du Kremlin.

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Le Monde avec AFP



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