le planeur oublié de Montivilliers

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John Potts, le copilote du planeur, escorté par un soldat allemand, le 6 juin 1944.

C’est à peine une note de bas de page dans l’histoire du Débarquement, quelques secondes dans Die Deutsche Wochenschau, les actualités cinématographiques diffusées en Allemagne nazie pour servir la propagande, deux lignes dans un rapport allemand de l’époque.

A 45 kilomètres à vol d’oiseau des plages du Débarquement, la petite commune de Montivilliers, proche du Havre, en Seine-Maritime, a vécu à sa façon le 6 juin 1944. C’est ici, bien loin de l’endroit où il était attendu, que s’est écrasé un planeur britannique, aux premières heures de ce jour historique.

Ce n’est que quatre-vingts ans après que la municipalité a inauguré, le 1er juin, une stèle dans le parc de la maison proche du lieu du crash du planeur ainsi qu’une fresque à proximité. Une façon pour cette commune longtemps tournée vers son passé médiéval et religieux « de faire connaître à la population cette partie de l’histoire méconnue de la ville », selon Jérôme Malherbe, du service culture et patrimoine de la mairie.

C’est John Potts, le copilote du planeur, qui a sans doute raconté le mieux cet épisode, dans un témoignage enregistré en 2001 pour l’Imperial War Museums, cinquante-sept ans après les faits. Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, l’homme décolle de la base de la Royal Air Force de Brize Norton à bord de ce planeur d’assaut Airspeed Horsa – le cheval de bataille des forces aéroportées britanniques – en compagnie d’un pilote, d’un capitaine de l’artillerie, de trois artilleurs et de leur Jeep. Ils sont supposés se poser à proximité de Ranville, dans le Calvados.

En approchant de la côte normande, ils commencent à recevoir des tirs de la défense antiaérienne allemande, la Flak, sont touchés deux fois, et un début d’incendie se déclare dans le cockpit. Volant à 3 000 pieds, le planeur traverse un nouveau barrage de Flak et se retrouve en vol libre. Les soldats comprennent que, compte tenu de l’altitude, la descente sera rapide, une minute, une minute trente tout au plus, avant de toucher le sol. Ils repèrent un champ, assez grand pour atterrir. Le pilote effectue une dernière manœuvre. Ils se font de nouveau tirer dessus, le feu reprend dans le cockpit. Mais ils parviennent à se poser. « Je ne sais pas s’il existe un saint patron pour les planeurs, mais s’il existe, il ne ménageait pas sa peine », raconte M. Potts.

« L’équipage a été capturé »

Bienvenue à Montivilliers. La ville jouxte Le Havre, qui a été transformé en Festung (« forteresse ») par les Allemands. Elle se trouve « à la frontière du camp retranché : la partie occidentale à l’intérieur, le centre à l’extérieur » de la forteresse, résume Stéphane Lo Bruto professeur d’histoire-géographie au collège, et auteur d’un mémoire de master 2 sur Montivilliers pendant la seconde guerre mondiale à l’université du Havre. Depuis Le Havre, les quelque 11 000 hommes des troupes d’occupation ont une vue directe sur le feu d’artifice qui a commencé sur la côte du Calvados et ont compris qu’il se passe quelque chose de majeur.

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