Le photographe Mark Neville dans le tourbillon de la guerre en Ukraine

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Des enfants du village de Bohdanivka, près de Kiev, dans la carcasse calcinée de leur bus scolaire qui a été pris pour cible par l’artillerie russe, comme leur école, juin 2022.

Après deux ans passés à photographier au plus près des lignes de front, Mark Neville ne peut que constater l’enlisement de la guerre en Ukraine. Devant son objectif, les visages des civils dans leur maison en partie détruite ou dans les rues de leur village anciennement occupé par l’armée russe racontent l’épuisement et l’angoisse. Nombreux sont ceux qui doivent suivre des traitements médicamenteux pour tenir.

« Tout le monde finit par tomber malade, physiquement et psychologiquement », souligne le documentariste britannique de 58 ans, qui vit à Kiev, la capitale ukrainienne, depuis 2020. Les bombardements quotidiens depuis l’invasion russe du 24 février 2022, les dizaines de milliers de morts et les aléas du soutien international n’aident pas. « Combien de temps cela peut-il encore durer ? », s’interroge Mark Neville.

Cette lassitude, le photographe la raconte, avec des textes et des photos, dans son livre Diary of an Aid Worker (« journal d’un travailleur humanitaire »), à paraître cet été. Un ouvrage dans lequel il propose également plusieurs pistes d’aide psychologique partout en Ukraine : des contacts de psychiatres, des adresses d’établissements médicaux, ainsi que de courts entretiens avec des civils ukrainiens, afin de lever le tabou sur la maladie mentale encore présent dans le pays. En parallèle, Mark Neville prévoit d’envoyer son livre à des personnalités qui pourraient, selon lui, peser sur le déroulement du conflit. Des « hommes et femmes politiques de tous les partis », comme la maire de Paris, Anne Hidalgo, précise-t-il.

Distribution de nourriture dans les villages de Grakove et Mospanove, près de Kharkiv, juste après le retrait des troupes russes, septembre 2022.
Le marché d’Izioum, dans la région de Kharkiv, février 2023.

Mark Neville ne se contente pas d’être photographe. Au printemps 2022, l’artiste a fondé l’ONG Postcode Ukraine. Environ deux fois par mois, avec les quatre autres membres de l’association, il s’équipe d’un casque et d’un gilet pare-balles et part livrer de l’aide humanitaire aux civils et aux soldats sur les lignes de front. De l’eau potable, de la nourriture, mais il leur arrive aussi de fournir, selon les demandes, des poêles à bois, des croquettes pour chien ou des manuels scolaires en ukrainien. Postcode Ukraine a déjà distribué l’équivalent de 350 000 dollars (323 000 euros) de soutien en un peu plus de deux ans d’activité. « Nous voulons être les premiers à intervenir dans les villages libérés par l’armée ukrainienne, précise l’artiste. C’est de l’aide humanitaire façon guérilla. »

Témoigner de la souffrance des Ukrainiens

Frustré par son parcours dans différentes écoles d’art – entre l’université de Reading, le Goldsmiths College de l’université de Londres et la Rijksakademie d’Amsterdam –, le Britannique rejette le modèle de la photographie traditionnelle en questionnant l’éthique de cette discipline. « On photographie des gens pour des beaux livres trop chers pour eux qui finissent sur les tables basses de familles bien loties », critique-t-il.

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