La question peut sembler loufoque : « Comment utiliser son passeport pour séduire des Latinas ? » La réponse ? « Autour de minuit, prends ton passeport, secoue-le [dans la rue] et attends », conseille, dans une vidéo TikTok, le youtubeur américain Austin Abeyta, 32 ans. Juste avant qu’une jeune Colombienne aux longs cheveux bruns s’en saisisse, sourire aux lèvres.
Cette petite saynète humoristique est l’œuvre du créateur de contenus Digital Bromad (plus de 520 000 abonnés sur TikTok), dont le nom reprend le concept de « nomade numérique », ce télétravailleur en quête d’un confort de vie supérieur à l’étranger. Sauf qu’ici, en changeant d’horizon, ce développeur voyageur recherche quelque chose de plus.
Sur son fil, il donne des conseils pour entrer en contact avec de jolies femmes en Colombie, mais aussi aux Philippines, en Thaïlande, au Brésil… Des destinations largement popularisées dans la communauté des « passport bros » (« frères dotés d’un passeport », en français), dont Digital Bromad est le chef de meute. Il s’agit d’hommes issus de pays occidentaux profitant de l’attrait exercé par ce document sur des jeunes femmes en quête d’un avenir meilleur ainsi que de leur fort pouvoir d’achat, pour vivre des aventures sexuelles en Amérique latine, en Asie ou en Europe de l’Est.
Comme le rappelle le Salt Like Tribune, le terme « passport bro’ » est utilisé par le réalisateur afro-américain Al Greeze dans son documentaire Frustrated, en 2011. Il y filme des Noirs américains cherchant à rencontrer des femmes au Brésil. Selon les témoins interrogés, ces hommes connaîtraient un sentiment de déclassement face à des femmes noires vivant aux Etats-Unis, émancipées, gagnant parfois plus d’argent qu’eux, et donc censément moins respectueuses de leur statut revendiqué de mâle dominant. D’où la publication de petites vidéos YouTube dispensant conseils et stratégie pour avoir des relations avec des étrangères. Il faut attendre 2019 pour que le #passportbros migre sur TikTok.
Femmes trophées
Dans son propre pays, le « passport bro’ » peine à « matcher » sur Tinder – et la tendinite du pouce le guette. Il s’estime victime de la « misère sexuelle » causée par l’endoctrinement « woke » des femmes. Telle une fratrie accidentée par les évolutions sociétales, lui et ses congénères se serrent les coudes face aux Occidentales, jugées distantes, méprisantes.
Alors, pour en revenir à une distribution genrée des rôles dans le couple, ce grand nostalgique s’envole vers des destinations où il estime pouvoir encore être traité avec les égards qui lui seraient dus, et rencontrer de belles femmes, élevées dans les traditions, perçues comme douces, féminines, sexuellement disponibles, et qui ne rechigneront pas à faire la cuisine et le ménage. Et peu importent les difficultés à se comprendre, inévitables entre personnes qui ne parlent pas la même langue.
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