Le harcèlement scolaire, une notion victime de son succès

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Des enfants participent à un cours d’empathie dans une école maternelle, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), le 4 octobre 2023.

Tout le monde est tombé d’accord : mieux vaut parler trop de harcèlement plutôt que pas assez, et mieux vaut que les enfants témoignent plutôt qu’ils ne se taisent.

La notion de harcèlement scolaire était quasi inconnue du grand public il y a encore une quinzaine d’années, estiment les spécialistes de l’école et acteurs de terrain interrogés. On parlait alors plus volontiers de « violence scolaire », où la logique du « bouc émissaire » n’était qu’un phénomène parmi d’autres, souvent mal analysé, ou minimisé comme relevant de l’affaire personnelle entre deux enfants, et non d’un phénomène collectif.

Depuis le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, plusieurs suicides de jeunes victimes ont été fortement médiatisés – d’Evaëlle, en 2019, à Nicolas, en 2023 –, les familles pointant chaque fois des manquements de l’éducation nationale. Le harcèlement scolaire a été inscrit dans la loi en 2019 ; il est devenu un délit en 2022. L’éducation nationale a lancé le programme Phare pour améliorer la prise en charge du harcèlement dans chaque collège. Gabriel Attal, ministre de l’éducation nationale à l’automne 2023, a choisi de personnaliser ce combat, lorsqu’il était en poste Rue de Grenelle puis après son départ : le 6 novembre, la veille de la Journée nationale de lutte contre le harcèlement à l’école, l’ancien premier ministre a annoncé le lancement de sa propre association, Faire face.

Indéniablement, ce sujet s’est imposé dans les sphères politique et médiatique comme un véritable problème sociétal, et le mot est entré dans le langage des familles et des élèves. Au risque de prendre toute la place ? Sur le terrain, les personnels chargés de la violence scolaire – en particulier les conseillers principaux d’éducation (CPE) – regrettent que le terme soit utilisé pour décrire des situations de mal-être qui n’en relèvent pas, ce qui complique leur travail de remédiation.

« J’y ai consacré quatre heures de travail »

« L’autre jour, une maman arrive à la loge, très en colère, en demandant à être reçue, rapporte, par exemple, Cédric Bart, CPE dans un collège du Pas-de-Calais et secrétaire académique du syndicat SE-UNSA. Elle me dit que sa fille est harcelée et demande que les deux élèves soient reçues ensemble. » Le protocole déconseillant de confronter les enfants, le CPE reçoit séparément la victime, puis l’autre élève, avant de comprendre que le différend entre les deux jeunes filles est un fait isolé. « Entre-temps, la maman avait écrit à l’inspection d’académie et provoqué le déclenchement de toute la procédure. J’y ai consacré quatre heures de travail », résume Cédric Bart.

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