« Le désavantage économique qui persiste chez les peuples premiers est lié au choc historique dû à l’extermination des bisons par les colons européens »

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Le 14 octobre, les Australiens ont rejeté par référendum la reconnaissance dans la Constitution des populations aborigènes et insulaires du détroit de Torres comme Premières Nations d’Australie, et la formation par ces peuples d’une assemblée représentative (« The Voice ») qui informerait le Parlement sur les politiques publiques les visant directement. Instrumentalisant ce référendum à des fins politiques, les partis d’opposition au gouvernement travailliste ont décrié une initiative qui « diviserait » les Australiens. Le non l’a emporté avec 60 % des voix. Les Aborigènes et les insulaires ont déclaré une semaine de deuil et de silence : les Australiens se sont, de fait, divisés sur le sujet.

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Ce rejet de la majorité des électeurs australiens est en partie le reflet d’un déni historique. Les Aborigènes, héritiers d’une des plus vieilles cultures du monde, font aujourd’hui face à un gouffre vis-à-vis du reste de la population en matière de pauvreté, d’éducation, de taux d’incarcération… Les hommes vivent en moyenne 8,6 ans de moins que le reste de la population ; les femmes, 7,8 ans. Ce désavantage s’explique-t-il par des politiques de discrimination systématiques ? Ou bien par les crimes historiques commis contre ces populations au cours de l’histoire ?

Une étude récente apporte un éclairage sur cette question, dans un contexte certes différent mais non moins édifiant, celui des Premières Nations d’Amérique du Nord (« The Slaughter of the Bison and Reversal of Fortunes on the Great Plains », Donn Feir, Rob Gillezeau et Maggie Jones, NBER, août 2022, à paraître dans The Review of Economic Studies).

Le désavantage économique, qui persiste, est directement lié au choc historique négatif dû à l’extermination des bisons par les colons européens. Pour le démontrer, les auteurs comparent, à court et à long terme, le devenir socio-économique des Premières Nations, dont le mode de vie reposait sur le bison, par rapport aux autres qui, bien que victimes de la colonisation elles aussi, ne vécurent pas la disparition totale de leur mode de subsistance.

Retards de croissance

Les auteurs ont constitué une base de données en utilisant en particulier des informations historiques sur la taille des individus entre 1889 et 1903 comme mesure de pauvreté (la malnutrition entraînant des retards de croissance irrattrapables), sur la mortalité infantile, sur le nombre relatif de garçons et de filles parmi les enfants – les fœtus et bébés masculins étant plus sensibles aux chocs de malnutrition.

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