« Le décrochage économique de l’Europe n’est plus une menace, c’est une réalité à laquelle il est urgent de s’attaquer »

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Au moment où l’économie américaine semble réussir son atterrissage en douceur après la poussée inflationniste des derniers mois, l’Europe reste clouée au sol. En 2023, le produit intérieur brut (PIB) des Etats-Unis a progressé cinq fois plus vite que celui de la zone euro. Comme après chaque crise, la première économie du monde fait preuve d’une résilience qui lui permet de creuser encore un peu plus l’écart avec le Vieux Continent.

Peut-on encore parler de match lorsqu’on ne joue plus dans la même catégorie ? Jusqu’aux années 1980, les deux économies ont convergé. Depuis, on assiste à une dérive macroéconomique des continents avec une Amérique, qui, malgré les crises, continue d’avancer, et une Europe qui tourne au ralenti. Vingt-cinq ans après la création de la monnaie unique européenne, le score est sans appel. Le rythme de la croissance américaine a été plus du double de celui de la zone euro. Depuis 2000, celle-ci accuse désormais un retard de 17 % par rapport aux Etats-Unis.

La conjoncture récente n’a pas aidé. La guerre aux portes de l’Europe a obligé à se passer de gaz russe bon marché, plongeant le Vieux Continent dans une violente crise énergétique. Les Etats-Unis, forts de leur autonomie, ont mieux encaissé le choc, tout en augmentant leurs exportations de gaz naturel liquéfié vers l’Europe. Il faut aussi tirer le bilan des politiques déployées de part et d’autre de l’Atlantique pour amortir les effets de la pandémie de Covid-19. Là encore, la balance penche en faveur des Etats-Unis. L’Europe a choisi de protéger en indemnisant le chômage partiel. Le gouvernement américain, lui, a préféré distribuer sans compter des chèques à ses administrés. La consommation a redémarré beaucoup plus vite, faisant tourner l’économie à plein régime.

Le dogme allemand a primé

Le revers de la médaille de ce puissant stimulus a été de déclencher une inflation galopante. L’Europe a été également confronté au même phénomène. Néanmoins, la hausse des prix n’était pas due à un excès de demande, mais à des facteurs extérieurs, à savoir l’envolée des cours du gaz et du pétrole. La remontée des taux d’intérêt aux Etats-Unis a servi à calmer la surchauffe provoquée par le boom sur la consommation. La Banque centrale européenne (BCE) ne pouvait pas faire baisser les prix de l’énergie. En revanche, elle a été très efficace pour étouffer la croissance.

Les choix des Etats-Unis ont bien entendu un coût : un déficit budgétaire abyssal, qui s’élève à 7 % du PIB, pendant que la zone euro est vite revenue dans l’épure maastrichienne des 3 %, la France restant l’exception qui confirme la règle. Certes, les Vingt-Sept ont su éviter les erreurs de la crise de 2011, lorsque la politique de rigueur déflationniste impulsée par la BCE avait plombé la zone euro. Cette fois, des plans de relance ont bien été déployés, mais une partie des montants n’est toujours pas décaissée et surtout les freins budgétaires ont déjà été réactivés.

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