L’Arabie saoudite ouvre une brèche dans la prohibition de l’alcool

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LETTRE DE RIYAD

Le Meraki Riyadh, un bar éphémère proposant des boissons sans alcool, à Riyad, le 23 janvier 2024.

Siroter un mojito au bord de la mer Rouge ou dans un grand hôtel de Riyad n’est pas encore au programme pour les Saoudiens et les touristes étrangers. Mais le royaume s’apprête à donner un premier coup de canif à la politique de stricte prohibition de l’alcool appliquée depuis 1952. Dans quelques semaines, le premier magasin de spiritueux géré par les autorités saoudiennes doit ouvrir ses portes dans le quartier diplomatique de la capitale. La vente y sera limitée aux diplomates non musulmans, qui devront s’enregistrer via une application mobile et se satisfaire des quotas qui leur seront imposés. Mini révolution ou simple changement de façade ? Le débat fait rage au sein du royaume conservateur.

Officiellement, cette mesure vise à introduire « un nouveau cadre réglementaire pour lutter contre le commerce illicite de produits et de produits alcoolisés reçus par les missions diplomatiques », ont justifié les autorités saoudiennes, mercredi 24 janvier. L’alcool coule en effet à flots lors des réceptions organisées par les chancelleries étrangères, qui sont autorisées à en importer, sans limite de quotas, par le biais de la valise diplomatique. A en croire les autorités saoudiennes, une partie de ces importations viendrait alimenter le marché noir.

Contre plusieurs centaines de dollars, Saoudiens et expatriés peuvent se procurer une bouteille de whisky via des « dealers ». Les prix sont prohibitifs pour la majorité des 32 millions de Saoudiens et de travailleurs étrangers qui vivent dans le royaume. Mais ils restent accessibles aux expatriés et à une élite saoudienne qui voudraient s’autoriser cet écart à l’abri des regards, notamment derrière les murs des « compounds », ces quartiers résidentiels fermés réservés principalement aux étrangers. Il existe aussi de l’alcool de mauvaise qualité fabriqué secrètement dans le royaume, qui provoque souvent des cas d’empoisonnement et même des décès, souligne le quotidien de langue arabe Al-Arab.

Incident diplomatique

De nombreux amateurs de vins et de spiritueux préfèrent s’offrir une virée, le temps d’un week-end, à Bahreïn ou à Dubaï, où l’alcool est autorisé. Les sanctions prévues par la loi saoudienne en cas de consommation ou de possession d’alcool sont en effet très sévères : peines d’emprisonnement, flagellation publique et même expulsion pour les étrangers. Cette stricte prohibition de l’alcool a des effets pervers, note encore le quotidien Al-Arab, notamment sur la jeunesse saoudienne, ouverte sur le monde grâce à Internet et aux voyages. A défaut de pouvoir se procurer des boissons alcoolisées, de nombreux jeunes se rabattent sur les substances narcotiques, plus faciles à introduire clandestinement dans le royaume, malgré la sévérité des peines prévues par la loi, qui peuvent aller jusqu’à la peine de mort pour les revendeurs.

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