« L’affaire Mario Sandoval a fait avancer la jurisprudence en France »

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Sophie Thonon-Wesfreid a été l’avocate de l’Etat argentin dans la procédure d’extradition visant l’ancien policier argentin Mario Sandoval. Condamné en décembre 2022 à quinze ans de prison pour crimes contre l’humanité par un tribunal de Buenos Aires, il avait vécu trente-quatre ans en France après la dictature et a été naturalisé français. Elle est aussi l’avocate de plusieurs victimes françaises des dictatures argentine (1976-1983) et chilienne (1973-1990). Postérieurement à la condamnation, en 1990, à Paris, du capitaine de frégate argentin Alfredo Astiz pour la disparition de deux religieuses françaises, elle a notamment demandé, à plusieurs reprises mais sans succès, l’extradition de ce dernier.

Quand avez-vous entendu parler de Mario Sandoval pour la première fois ?

C’était en 2008, juste après la parution dans le journal argentin Pagina/12 d’un article révélant son passé de policier en Argentine. Les fondateurs d’un média en ligne français, El Correo, avaient traduit et publié l’article de Pagina/12, et Mario Sandoval leur intentait désormais un procès en diffamation, ainsi qu’à 42 autres médias. En 2012, la justice a finalement prononcé un non-lieu.

Pendant ces quatre années, vous allez enquêter sur lui. Que découvrez-vous ?

Il était accusé, dans Pagina/12, d’être l’auteur, durant la dictature argentine, de l’enlèvement et de la disparition, en 1976, d’un jeune étudiant, Hernan Abriata. J’ai trouvé qu’il avait été dénoncé par la mère de la victime, Beatriz Abriata, dont le témoignage figurait dans le dossier de la Conadep, la Commission nationale sur la disparition de personnes [qui avait été chargée, au retour de la démocratie, en 1983, d’enquêter sur les atrocités commises durant la dictature]. Mario Sandoval a toujours affirmé qu’il n’était pas le Sandoval ayant enlevé Hernan et même qu’il n’avait pas été policier. Or, dans mes recherches, j’ai eu accès à son dossier personnel de la police, qui contient absolument toute son histoire.

L’Argentine a demandé son extradition à la France en août 2012. Il n’a été extradé qu’en décembre 2019. Pourquoi autant de temps ?

En mai 2012, Mario Sandoval est mis en examen par la justice argentine pour tortures, privation illégale de liberté aggravée, ainsi que pour crimes contre l’humanité au préjudice de 596 victimes, dont Hernan Abriata. Son parcours extraditionnel est, je pense, l’un des plus longs, et j’oserais dire, un cas d’école. Il a duré huit ans, pendant lesquels il formera un recours contre chaque décision défavorable : deux procédures en appel, deux pourvois en cassation, une saisine du Conseil d’Etat, deux questions prioritaires de constitutionnalité et, in fine, un recours auprès de la Cour européenne des droits de l’homme.

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