« La préférence européenne pour les marchés publics ne fait pas une politique industrielle »

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Pas une tête de liste aux élections européennes en France n’écarte l’idée de mettre en place une préférence européenne sur les marchés publics européens. Proposition hautement politique, dans un contexte où les Etats-Unis et la Chine adoptent des positions protectionnistes, la préférence européenne consisterait à établir un critère d’attribution des marchés publics lors des appels d’offres concurrentiels basés sur la localisation de la production ou la nationalité du soumissionnaire.

La préférence européenne est le plus souvent présentée comme une modalité de politique industrielle en tant qu’elle permettrait d’offrir des débouchés aux entreprises européennes et de leur assurer un carnet de commandes pour augmenter leur taille, diminuer leur coût moyen et les inciter à investir. Elle s’exprimerait par des exigences en termes de contenu local, de l’emploi local, de la proportion du capital détenu localement, ou encore des partenariats locaux.

Sur le plan électoral, cela conforte les désirs d’une Europe plus protectrice, sur le plan économique, cela conforte l’idée du soutien à l’industrie européenne, mais, sur le plan politique, c’est un sujet de grande crispation entre Etats membres. Au final, une analyse étayée de l’apport réel d’une telle disposition montre que le gain net est négatif. Pourquoi ?

Les nombreux attributs des leviers d’influence

Sur les 2 200 milliards d’euros que représente la commande publique à l’échelle de l’Union européenne (UE), 463 milliards sont couverts par les accords de l’Organisation mondiale du commerce (accord sur les marchés publics, AMP) qui lie l’Union européenne. Le texte pose le principe de la non-discrimination et prohibe donc l’établissement de tout critère de préférence locale dans l’attribution des marchés publics. Mais il existe de nombreuses exceptions : il s’applique à des marchés dépassant certains seuils, provenant de certaines administrations publiques, et exclut certaines activités comme la fourniture d’énergie ou les marchés de la défense et de la sécurité.

Ensuite, en pratique, l’attribution des marchés publics, bien que fortement réglementée, comporte tous les attributs des leviers d’influence, que ce soit du côté des acheteurs publics ou des soumissionnaires. De nombreuses barrières implicites ou explicites existent, qui conduisent à observer un biais national dans la répartition des marchés. Ainsi, le critère du prix ne s’impose pas de manière obligatoire, et les administrations ont de la latitude pour appliquer des critères environnementaux, sociétaux et, plus généralement , si des questions stratégiques de sécurité sont en jeu.

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