L’annonce a fait l’effet d’une bombe. Le 12 octobre, à la convention de son parti, la Coalition civique, le premier ministre polonais, Donald Tusk, a annoncé son intention de suspendre provisoirement le droit d’asile dans son pays. « Le droit d’asile est instrumentalisé à l’encontre de son principe même », a déclaré le chef du gouvernement, faisant référence aux nouvelles routes migratoires mises en place par les régimes russe et biélorusse. « Nous ne mettrons en œuvre aucune idée européenne si nous avons la certitude qu’elle nuit à nos intérêts. Je parle ici du pacte sur la migration et l’asile », adopté par les Vingt-Sept en mai, après cinq ans de négociations.
La sortie a provoqué la stupeur de part et d’autre de l’échiquier politique. Elle a totalement éclipsé la convention du parti nationaliste Droit et justice (PiS), qui se tenait le même jour, tandis que les partenaires de coalition de Donald Tusk, de Gauche unie aux conservateurs de Troisième Voie, ont affirmé ne pas avoir été consultés. Elle a aussi constitué une douche froide pour la frange gauche de l’électorat, à quelques jours du premier anniversaire des élections législatives victorieuses du 15 octobre 2023, qui ont mis fin à huit années de pouvoir populiste.
C’est précisément le 15 octobre, à la veille d’un sommet européen consacré à la question migratoire, que le gouvernement a choisi de présenter sa nouvelle stratégie en la matière. Intitulé « Reprendre le contrôle, garantir la sécurité », le document de trente-cinq pages fait de la sécurité – intérieure et économique – la « priorité principale », et affirme vouloir « éviter de reproduire les erreurs commises par les pays d’Europe de l’Ouest ».
Nécessité de « changements urgents »
A la clé : une « régulation précise » des flux migratoires ; une « approche sélective » en fonction des besoins du marché du travail ; une critique de la politique migratoire européenne et des conventions internationales, accusées de « ne pas être adaptées aux réalités actuelles » et nécessitant « des changements urgents » ; des restrictions dans la distribution des visas étudiants et dans l’accès à la nationalité ; une volonté de mettre en œuvre une politique d’intégration et de « protection spéciale des populations vulnérables ».
Les quatre ministres de gauche de la coalition de Donald Tusk ont voté contre l’adoption du document. Le texte a également déclenché les foudres des organisations de défense des droits humains et de protection des migrants. Une quarantaine d’entre elles, dont Amnesty International, ont adressé une longue missive au gouvernement, où elles dénoncent une « approche fondée sur la peur », « non conforme aux normes internationales » et à la Constitution polonaise, et mettent en garde contre la mise en place de « procédures discriminatoires, voire racistes ».
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