« La politique de développement des énergies renouvelables est source de dissonances cognitives »

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Nous pouvons collectivement adhérer au projet de remplacement des énergies fossiles par des énergies renouvelables (EnR) pour limiter l’impact du changement climatique. Mais sommes-nous prêts à accepter une destruction des écosystèmes naturels pour soutenir la production d’EnR ?

Le gouvernement ne semble pas hésiter sur la réponse à donner à cette question. Tout montre qu’il tente un passage en force pour favoriser la conversion d’espaces naturels en zones de production d’EnR. Ainsi, la loi du 10 mars 2023 impose à chaque commune de définir des zones de production d’EnR. Les municipalités qui souhaitent protéger leurs espaces naturels n’ont pas la possibilité de délimiter des zones d’exclusion pour la production d’EnR, si d’autres zones, dites « d’accélération », ne sont pas proposées sur leur territoire. Un nouveau projet de décret, en cours d’évaluation, est actuellement porté par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Il vise à considérer que toute installation d’EnR au-delà d’une certaine puissance bénéficiera automatiquement du statut de raison impérative d’intérêt public majeur, ce qui facilitera leur développement sur des sites naturels en limitant les recours possibles.

L’attachement à la nature, à l’écologie et à la ruralité est un attracteur psychologique fort qui ne fait pas bon ménage avec l’idée d’une destruction des environnements naturels au motif de production d’une énergie décarbonée. En 1957, Leon Festinger, un psychosociologue américain, a élaboré la théorie de la « dissonance cognitive ». Selon cette théorie, un état d’inconfort psychologique apparaît lorsque les attitudes d’un individu sont en contradiction avec ses pensées. Cet inconfort se manifeste de plus en plus par la montée des oppositions à la destruction des espaces naturels au profit d’une production d’EnR.

De 500 à 1 000 hectares menacés

Les combats actuels contre l’implantation de panneaux photovoltaïques sur la montagne de Lure illustrent cette difficulté psychologique. Le 19 novembre 2023, près de 450 manifestants ont défilé face à la centrale solaire en construction dans la forêt de Cruis (Alpes-de-Haute-Provence), en opposition aux 17 hectares de déforestation et à la destruction d’espèces protégées sur le site. La grogne monte dans la région. On compte déjà une quinzaine de centrales solaires dans les environs immédiats de la montagne et une vingtaine en phase d’installation ou en projet. De 500 à 1 000 hectares de forêt ou de terres agricoles sont directement menacés de destruction par l’implantation de ces centrales dans la montagne de Lure, alors qu’il s’agit d’un site d’exception classé réserve de biosphère par l’Unesco.

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