la petite amie du terroriste ou l’emprise du vide

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Marine Pequignot devant la cour d’assises spéciale de Paris, le 13 février 2024.

Pendant les trois ans et demi qu’a duré leur relation, elle l’appelait « mon cœur » ou « Radouane ». A la barre, elle ne prononce plus que son patronyme : « Lakdim ». L’intimité qu’elle a partagée avec le terroriste qui a tué quatre personnes à Trèbes et Carcassonne (Aude) avant d’être abattu, le 23 mars 2018, semble trop pénible à porter pour cette jeune femme de 24 ans. La fièvre djihadiste qui a pimenté leur couple l’écœure : « Aujourd’hui, j’ai pas honte de dire que la religion musulmane, c’est un dégoût pour moi. »

Quelques heures après les attentats perpétrés par son petit ami, Marine Pequignot avait pourtant accueilli les policiers venus l’interpeller chez elle en hurlant trois fois « Allah akbar ! » Six ans plus tard, sa déradicalisation affichée devant la cour d’assises spéciale de Paris qui l’interrogeait, mardi 13 février, a la brutalité sans retour d’une rupture amoureuse. Et pour cause, l’accusée la plus intrigante de ce procès, jugée pour association de malfaiteurs terroriste, dit s’être radicalisée par amour.

Après deux ans et demi de détention, la jeune femme, qui travaille aujourd’hui comme téléconseillère, a intégré en 2020 le dispositif Pairs (programme d’accueil individualisé et de réaffiliation sociale), un suivi pluridisciplinaire en milieu ouvert qui vise au désengagement de l’idéologie violente. Une des éducatrices qui l’accompagne a prudemment évoqué à la barre ce phénomène rare : « Il semblerait qu’elle ne soit plus dans aucune forme de radicalisation. »

Vide affectif

La radicalisation de Marine Pequignot est l’histoire d’une emprise. Elle avait 14 ans, elle était une enfant, quand un donneur de mort s’est engouffré dans son vide affectif, comblant sa misère intellectuelle et spirituelle par sa misère à lui.

Leur rencontre à Ozanam, une petite cité de Carcassonne, dit tout de l’inquiétante médiocrité qui sous-tendra leur relation. « J’ai rencontré Lakdim en octobre 2014, j’allais faire 15 ans… J’étais sortie sur l’aire de jeu pour enfants pour acheter du cannabis. Il a crié “beuh ou shit” ? J’ai dit “shit”, c’est comme ça qu’on s’est rencontrés. On est sorti ensemble le soir même… »

Radouane Lakdim, petit dealer sans envergure, a alors 22 ans. « C’était la première personne masculine que je rencontrais, ça m’avait impressionnée, il avait ce côté protecteur », dit-elle, expliquant avoir toujours souffert d’un « manque affectif » de la part de ses parents et d’une absence de cadre au sein de la famille. Il ne travaille pas ; elle ne va pas tarder à arrêter l’école.

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