L’histoire de la répression de l’homosexualité par l’Etat en France a été longtemps ignorée. Malgré les travaux d’historiens et d’historiennes, cette réalité reste, aujourd’hui encore, souvent voilée par l’illusion d’un pays qui n’a jamais eu de « paragraphe 175 » dans son code pénal. Alors que le crime de sodomie a été supprimé en 1791, la persécution des personnes homosexuelles s’est appuyée, presque deux siècles durant, sur des contorsions juridiques autour des articles du code pénal de 1810 réprimant l’outrage public et l’attentat à la pudeur.
Dans la plupart des cas documentés, l’outrage n’avait rien de public – mais c’était la parole d’un agent assermenté contre celle d’un citoyen ou d’une citoyenne – et la « pudeur » était hétéronormée. Avec la loi du 6 août 1942, le régime de Pétain ajouta à l’arsenal légal une différence de majorité sexuelle entre relations hétérosexuelles (13 ans) et relations homosexuelles (21 ans).
A la Libération, le gouvernement provisoire estima que « cette réforme (…) ne saurait, en son principe, appeler aucune critique » et la prorogea, faisant sienne l’homophobie d’Etat affirmée en 1942. En 1960, c’est le gouvernement de Michel Debré (1912-1996) qui trouva un combat à sa mesure dans une lutte contre une « démocratisation de l’homosexualité » (sic) déclarée « fléau social ».
Une proposition de loi après un aussi long silence
L’ordonnance du 25 novembre 1960 crée une circonstance aggravante d’homosexualité qui double les peines encourues pour outrage public à la pudeur. Cette législation homophobe a entretenu et légitimé la mise au ban des personnes lesbiennes, gays, bi, trans et intersexes (LGBTI+) dans un climat de haine à leur égard. Il a fallu qu’un mouvement militant se lève au début des années 1970 pour que ce consensus social délétère commence à se fissurer et que cet arsenal juridique « républicain » soit mis à bas en 1980 puis 1982.
Des dizaines de milliers de personnes homosexuelles ont été arrêtées, souvent avec violence, souvent piégées dans des guet-apens policiers sur des lieux de rencontre ou dans des établissements, comme aux bains de la rue Poncelet en 1926 ou au bar Le Manhattan en 1977. Ces personnes ont comparu et ont été condamnées à des peines de prison, à des amendes. L’atteinte à la dignité qu’était le traitement judiciaire de la vie affective et sexuelle, donc privée, était aggravée si un article d’une presse gourmande de faits divers livrait à la vindicte l’identité et le lieu de résidence de ces condamnés injustement.
Il vous reste 57.3% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.