la laborieuse mise en place des régularisations « métiers en tension »

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« Régularisons ceux qui travaillent, ce sera dix mille régularisations en plus dès l’année prochaine. » Le 19 décembre 2023, devant l’Assemblée nationale, Gérald Darmanin s’emballe. Alors que sa loi « immigration » va être adoptée par les députés dans quelques instants, avec les voix du Rassemblement national, le ministre de l’intérieur défend la « jambe gauche » de son texte. Bien que sa portée ait été amoindrie par les amendements de la droite sénatoriale, un article du texte doit faciliter la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension.

Pour montrer son volontarisme, M. Darmanin publie quatre instructions d’application immédiate dès le 5 février, dont l’une porte sur ces métiers en tension. Il y précise les conditions requises pour qu’un travailleur sans papiers obtienne un titre de séjour : trois ans d’ancienneté sur le territoire, douze fiches de paye à mi-temps au moins dans un métier en tension et l’occupation actuelle d’un de ces métiers, listés par arrêté ministériel. « Vous veillerez particulièrement à ce que les dossiers soient instruits dans un délai de quatre-vingt-dix jours », précise le ministre aux préfets, alors que, sur certains territoires, les temps d’instruction des demandes de titre de séjour se comptent en années.

Près de quatre mois plus tard, sur le terrain, les passages à l’acte sont encore balbutiants. « C’est assez mou, convient un préfet, sous le couvert de l’anonymat. Autant sur le volet répressif de la loi et notamment les expulsions, on nous demande de faire remonter un tableau mensuel avec les mesures prises, autant sur le reste, il n’y a pas de demande spécifique. » « Les préfets appliquent avec zèle les motifs d’édiction d’OQTF [obligation de quitter le territoire français], mais c’est zéro sur les régularisations métiers en tension », corrobore Lydie Nicol, secrétaire nationale confédérale de la CFDT chargée de l’immigration.

« Le volet humanitaire du texte a été abandonné »

Sollicité sur le nombre de régularisations qui ont été opérées depuis février sur la base du nouveau dispositif, le ministère de l’intérieur ne nous a transmis aucun chiffre, au motif que « la méthodologie des retombées statistiques sur les titres de séjour est malheureusement tributaire des publications annuelles ».

Certaines préfectures ne font, en tout cas, même pas apparaître la possibilité de demander un titre de séjour « métiers en tension » sur leur site Internet. C’est le cas, par exemple, de celles de Seine-Saint-Denis, de Haute-Garonne ou encore de Savoie, où réside Léonard (le prénom a été modifié). Cet Albanais de 60 ans remplit pourtant en théorie tous les critères. Il vit en France depuis huit ans, travaille comme agent d’entretien – un métier qui figure dans la liste des métiers en tension fixée pour la région Auvergne-Rhône-Alpes, où il vit – et possède trente-six fiches de paie. Sa femme, agente de nettoyage comme lui, remplit tous les critères également. Mais, faute de procédure d’accès mise en place par la préfecture du département, ils sont tous deux dans l’impasse.

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