« La financiarisation du système de soins n’est pas inéluctable »

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Lors de son adresse aux Français du 12 mars 2020, Emmanuel Macron déclarait : « Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. » Il concluait : « Les prochaines semaines et les prochains mois nécessiteront des décisions de rupture en ce sens. Je les assumerai. »

L’augmentation des dépenses publiques de santé à l’occasion du Ségur de la santé aurait pu annoncer le retour de l’Etat-providence. Tout porte, hélas, à croire le contraire. En attestent le récent rapport de Sciences Po de juillet 2023 sur la financiarisation de la santé ainsi que les propos d’acteurs du capital-investissement recueillis dans Décideurs magazine en juin 2021 et en septembre 2022.

Les acteurs de la finance connaissent les déficits du système de santé et ses liens avec les défaillances de l’Etat. Arnaud Petit, président d’Edmond de Rothschild Corporate Finance, explique dans Décideurs magazine que, si le capital-investissement a un « véritable engouement » pour le secteur de la santé, il y a plusieurs raisons, la première étant le « désengagement relatif de l’Etat ». D’autres, comme Benoît Poulain, chef des fusions et acquisitions au sein du groupe Elsan, estiment « nécessaire de développer les coopérations médicales territoriales et [de] favoriser la diversification pour, in fine, améliorer la qualité de l’offre de soins ».

Pour Gilles Bigot et Julie Vern Cesano-Gouffrant, du cabinet Winston & Strawn, les fonds d’investissement ont un rôle moteur pour « moderniser, optimiser et industrialiser le secteur médical ». Et d’ajouter : « La financiarisation de la santé doit être dédiabolisée afin de mettre en lumière ses avantages, qui répondent à un besoin de la population. »

Médecins dépossédés de leurs outils de travail

De fait, la financiarisation, depuis les années 2010, n’a fait qu’accentuer les logiques de concentration et d’industrialisation des structures de soins lancées par les politiques publiques. Sa stratégie a été la même partout : s’efforcer de prendre le contrôle de structures, au besoin en les rachetant cher à leurs propriétaires professionnels, et « rationaliser » les activités pour les rendre plus profitables. L’apport en capital s’accompagne d’une réorganisation du travail par le biais d’une nouvelle gouvernance.

Les médecins devenus des employés ne disposent plus de la maîtrise de leurs outils de travail et ne pèsent plus sur les orientations stratégiques. Les nouvelles structures ainsi rentabilisées peuvent alors être revendues, notamment à des fonds de pension.

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