« La Corée du Sud veut gagner la bataille mondiale des puces »

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Le président sud-coréen, Yoon Suk Yeol, lors d’un discours retransmis à la télévision, dans une gare de Séoul, le 9 mai 2024.

Conseil de guerre à la présidence de la République de Corée du Sud ce jeudi 23 mai. Il ne s’agissait pas des relations avec la Chine ni des sanctions contre son voisin du Nord, mais d’un sujet tout aussi existentiel pour celui qu’on appelle à tort le pays du Matin-Calme : gagner la bataille des puces. Le pays est déjà le premier fabricant mondial de puces mémoire et de semi-conducteurs de toutes sortes, mais l’affrontement sino-américain menace cette position.

Aussi, le président Yoon Suk Yeol a brisé un tabou. Il a présenté un plan d’aides publiques de 18 milliards d’euros. « Nous devons soutenir notre industrie des semi-conducteurs, afin d’éviter qu’elle ne soit dépassée par un pays rival », a-t-il expliqué. C’est la première fois que l’Etat aide directement son industrie électronique.

Jusqu’à présent, il laissait ses très riches conglomérats se débrouiller pour investir. Mais il est confronté à la pluie de subventions qui inondent les Etats-Unis, l’Europe, le Japon et, bien sûr, la Chine pour aider l’industrie désormais la plus chère et la plus soutenue du monde.

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Il faut compter au moins 20 milliards de dollars (18,5 milliards d’euros) pour une seule usine de classe mondiale. Selon l’agence Bloomberg, ce sont déjà plus de 350 milliards de dollars de subventions qui ont été engagés dans le monde depuis deux ans, dont 80 milliards rien que pour les Etats-Unis et l’Europe.

« Mégacluster »

La Corée du Sud réplique donc très fort. Témoin, le projet gigantesque de parc industriel qui se constitue à Yongin, à quelques encablures de Séoul. Ce « mégacluster », qui comprend déjà 19 usines, va s’étendre sur 21 millions de mètres carrés, sur huit villes. Seize usines supplémentaires seront construites.

Au total, l’investissement devrait atteindre, selon une note de Business France, en mars, plus de 420 milliards d’euros jusqu’en 2047. Il permettrait de produire pour 446 milliards d’euros de semi-conducteurs et générer 3,4 millions d’emplois, dans un pays de 50 millions d’habitants. La subvention de l’Etat ira notamment aux infrastructures en routes, eau et énergie et à l’aide aux PME. Les deux géants à la manœuvre sont Samsung et SK hynix, tous deux des leaders mondiaux des puces mémoire.

Une telle ambition et de tels moyens, qui s’ajoutent à ceux de Taïwan, du Japon, mais aussi de la Malaisie, de la Thaïlande, des Philippines ou du Vietnam, tous partie prenante d’un même écosystème asiatique, laissent songeur sur la capacité et la rentabilité des investissements occidentaux dans ce domaine. La bataille industrielle mondiale ne se joue pas qu’entre la Chine, les Etats-Unis et l’Europe.



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