« La constitutionnalisation de l’IVG serait une avancée fondamentale au plan juridique et symbolique »

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Des manifestants brandissent des pancartes lors de la « marche pour la vie », organisée chaque année autour de l’anniversaire de la loi Veil relative à l’interruption volontaire de grossesse, dans le centre de Paris, le 21 janvier 2024.

Neil Datta est directeur exécutif du Forum parlementaire européen pour les droits sexuels et reproductifs, spécialiste des mouvements hostiles à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Il observe que la stratégie de ces groupes a évolué, ces dernières années, passant d’un discours anti-IVG à un discours « anti-genre ».

En France, le débat sur l’inscription de l’IVG dans la Constitution montre que cette question demeure clivante politiquement. De votre poste d’observation, diriez-vous que les mouvements anti-IVG ont repris du service à cette occasion, et de quelle manière ?

Confrontés à la perspective d’une constitutionnalisation de l’IVG en France, ils se doivent de réagir à ce qu’ils présentent comme une provocation, même s’ils savent que leur cause est plus ou moins perdue. S’ils ne parviennent pas à faire capoter l’initiative, ils vont essayer de plaider en faveur de la constitutionnalisation, en parallèle, du droit à l’objection de conscience. Il faudra donc bien lire chaque ligne du texte voté au Sénat [mercredi 28 février].

Dès l’annonce de la constitutionnalisation de l’IVG, en 2022, les parlementaires français ont reçu des lettres leur enjoignant de s’y opposer, avec un petit fœtus en plastique à l’intérieur. Derrière cet envoi massif se trouvait le Centre européen pour le droit et la justice [ECJL], basé à Strasbourg. Il s’agit d’une émanation de l’American Center for Law and Justice, une grande organisation proche de la droite conservatrice chrétienne, dont le chef, Jay Sekulow, a été l’avocat de Donald Trump lors de sa première procédure de destitution.

Il y a quelques semaines, l’ECJL a lancé une initiative pour récolter des témoignages de femmes qui regrettent leur avortement, qu’ils vont certainement diffuser auprès de leurs relais à l’Assemblée nationale et au Sénat et au sein des réseaux catholiques traditionalistes.

La lutte contre l’IVG est-elle toujours un thème central de ces mouvements anti-choix ?

L’écosystème a évolué, en France et ailleurs, et ils cherchent d’autres points d’entrée pour véhiculer leurs idées. Les mouvements anti-IVG, qui ont été créés dans les années 1970-1980 dans tous les pays occidentaux, se sont fait un « relooking » il y a une quinzaine d’années. Ils ont élargi leur champ d’action, passant d’un discours anti-IVG à un discours « anti-genre ». Leurs combats portent désormais sur ce qui touche à la santé sexuelle et procréative (comme l’IVG ou la procréation médicalement assistée, par exemple), mais aussi les droits LGBT et les droits des enfants avec la porte d’entrée de l’éducation à la sexualité. Leur dernier cheval de bataille est la défense de la liberté religieuse, qu’ils considèrent comme un droit humain plus important que les autres.

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