La campagne en panne de Donald Trump

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Il y a un mois, le 13 juillet, Donald Trump sortait par miracle indemne d’une tentative d’assassinat au cours d’un meeting électoral en Pennsylvanie. Cet attentat manqué et sa réaction spectaculaire, le poing dressé, après les tirs qui l’avaient légèrement blessé, mais tué l’un de ses sympathisants, lui avaient attiré un large mouvement de sympathie. Avoir frôlé la mort offrait à l’ex-président une occasion unique de prendre de la hauteur et de rallier derrière lui une majorité de ses concitoyens dans la dénonciation de la violence en politique, qui commence souvent par celle des mots.

Cette occasion n’a pas été saisie et la soudaine promotion de Kamala Harris comme candidate du Parti démocrate à l’élection présidentielle du 5 novembre en lieu et place de Joe Biden, après le retrait du président sortant, a partiellement offert aux électeurs des Etats-Unis le renouvellement qu’ils appelaient désespérément de leurs vœux. Elle permet d’éviter une redite de la campagne de 2020 opposant les deux plus vieux candidats de l’histoire des Etats-Unis.

Déstabilisé, Donald Trump est retombé dans ses pires travers : se perdre dans ses diatribes absconses, stigmatiser une adversaire dont il prend plaisir à écorcher le nom, alimenter les théories du complot les plus absurdes pour contester la réalité de l’engouement que suscite la démocrate et dont témoignent les milliers de personnes qui se pressent désormais à ses réunions publiques.

Donald Trump apparaît plus que jamais comme l’homme d’un seul type de campagne, celle de 2016, dans laquelle il s’était présenté comme un homme neuf, sans passé politique, comme un franc-tireur jouant habilement du rejet des élites et de l’anxiété identitaire alimentée par l’évolution démographique des Etats-Unis. Cette posture est pourtant difficile à tenir aujourd’hui.

Le Parti républicain lui est totalement dédié, comme les médias conservateurs, le mastodonte Fox News en tête. Il a l’appui aveugle de l’écosystème des cercles de réflexion conservateurs, au point de devoir prendre ses distances avec le programme radical concocté pour lui par l’un d’eux, l’Heritage Foundation.

Il bénéficie également du soutien ostentatoire de l’homme le plus riche du monde, Elon Musk, défenseur autoproclamé d’une liberté qui s’arrête où commencent ses intérêts économiques et propriétaire influent du puissant réseau social X où libre cours est donné aux thèses de l’extrême droite. L’interminable conversation qu’y ont tenue les deux hommes, le 12 août, cousue de complaisance et de connivence, en a été une éclairante illustration.

Le candidat antisystème est devenu celui de l’establishment, qui s’est regroupé derrière lui. Cette réalité complique la stratégie de triangulation qui lui avait permis en 2016 d’attirer à lui d’anciens électeurs démocrates. Il avait alors joué la carte du protectionnisme que le Parti démocrate s’est depuis réappropriée.

Ses surenchères annoncées en la matière relanceraient l’inflation aux dépens des moins fortunés. Les reconductions promises de baisses d’impôts profiteraient de nouveau aux plus riches, et des suppressions supplémentaires compliqueraient la pérennité de programmes sociaux. Quant à la promesse d’expulsions de masse de sans-papiers, l’électeur de 2024 peut légitimement se demander si elle subirait le même sort que celle de 2016, qui voulait que le Mexique financerait contre son gré l’érection d’un « mur » à sa frontière avec les Etats-Unis.

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Le Monde

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