Ce matin-là, c’est à une consultation un peu particulière que Jean Chambry nous propose d’assister. Le pédopsychiatre parisien, chef de pôle du Centre intersectoriel d’accueil pour adolescent (Ciapa) du 18e arrondissement, à Paris – rattaché au groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie & neurosciences –, a rendez-vous avec Amanda et Léonie (les prénoms ont été changés), mais c’est en visio qu’il va discuter avec elles. Ces deux patientes sont à quelque 10 000 kilomètres de Paris. A La Réunion plus exactement.
Amanda se présente comme une jeune femme transgenre, elle aimerait savoir quels sont les traitements possibles pour une transition. Léonie, elle, se questionne sur son identité. Elle se définit comme non binaire (ni strictement un homme ni strictement une femme). Léonie n’envisage ni opération chirurgicale, ni traitement hormonal, ni même de changer de prénom, elle voudrait juste savoir pourquoi « [elle est] comme ça ». C’est leur psychiatre qui a sollicité le docteur Chambry. « Je n’ai pas beaucoup de compétences sur les questions de genre », a confié le médecin de La Réunion, au début des consultations. Avec Amanda, puis Léonie, les questions vont s’enchaîner pendant deux heures. Le docteur Chambry ne compte pas son temps. Les consultations sont longues avec lui et doivent répondre à deux principes : accueillir la parole et voir comment aider. « Il faut rassurer ces jeunes. Je les préviens toujours que toutes les questions que je pose, c’est pour faire connaissance, pas pour établir un profil type. D’ailleurs, il n’y en a pas », explique-t-il.
Dédramatiser le débat
Sur ce sujet, il est devenu, au fil des années, une personnalité incontournable sur le terrain de l’expérience clinique. « Il est incontournable, car il s’est intéressé au sujet très précocement. Il l’a vu venir avant qu’il ne prenne l’importance qu’il a aujourd’hui. Ça lui donne du recul et de l’expérience », reconnaît Olivier Bonnot, pédopsychiatre à l’hôpital Barthélemy-Durand à Etampes (Essonne).
A la fin des années 2000, ils sont peu nombreux à se pencher sur les questions de dysphorie de genre. Jean Chambry travaille alors à la Fondation Vallée, une institution de soins en pédopsychiatrie, située à Gentilly (Val-de-Marne). Son intérêt pour le sujet lui fait rencontrer les pédopsychiatres Agnès Condat (Pitié-Salpêtrière) et Anne Bargiacchi (Robert-Debré), qui s’y intéressent elles aussi. « Ensemble, nous avons réfléchi et avons décidé d’ouvrir une consultation spécialisée dans chacun de nos établissements, pour accueillir ces jeunes mal dans leur corps. »
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