Au cœur des villes, le défi de l’adaptation des végétaux

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Trèfle des prés « trifolium pratense », en 2010.

Elles se faufilent à travers les fissures du bitume ou germent entre les pavés des communes ; à moins qu’elles ne fleurissent dans les friches des faubourgs, à l’ombre des tours ou dans les arrière-cours. D’apparence fragile mais pugnace – pardon pour l’anthropomorphisme –, elles se frayent un chemin sur d’improbables terrains, au milieu des villes. « Ces petites fleurs jaunes, hautes sur pattes, dressées entre le béton du mur d’entrée et les pavés de la rue… », s’émerveille Christian Bobin, dans Le Murmure (Gallimard, 144 pages, 17 euros).

Prendre la clé des champs ? Les plantes n’ont pas cette option. Alors, pour déployer leurs corolles au cœur des métropoles, elles suivent leur boussole. Les défis sont nombreux. Parmi eux, comment pousser sur des sols de qualité médiocre, comment endurer des îlots de chaleur urbains, supporter la densité des bâtiments alentour, qui limitent la quantité d’ensoleillement reçue ? Plantain lancéolé, trèfle des prés, luzerne lupuline, dactyle aggloméré : sous ces noms pittoresques se cachent quatre plantes herbacées qui ornent les espaces verts des villes, au printemps et à l’été, d’un discret semis de fleurs blanches, roses, jaunes ou orange.

Une équipe CNRS-université de Strasbourg a mesuré leurs traits morphologiques (épaisseur des feuilles, hauteur de la plante, poids des graines…) au sein de soixante friches, prairies et gazons de l’Eurométropole de Strasbourg. Comment ces traits étaient-ils associés aux îlots de chaleur urbains, à la dégradation des sols, à la densité des bâtiments ou à la fréquence des tontes ? Dans une seconde étape, les chercheurs ont récolté sur site les graines de chaque espèce pour les cultiver, en conditions similaires, au jardin botanique de Strasbourg ; après quoi, ils ont mesuré les mêmes traits morphologiques.

La question était : pour chaque espèce, observe-t-on des différences morphologiques entre les sites et le jardin ? Si ce n’est pas le cas, c’est la preuve d’une adaptation évolutive : la sélection naturelle a retenu des individus porteurs de caractères héréditaires qui les rendent plus tolérants aux contraintes liées à l’urbanisation. En revanche, si les caractères observés sur les sites disparaissent au jardin, c’est que les plantes se sont accommodées aux conditions urbaines par une réponse rapide, réversible et non héritable ; avec, en contrepartie, des performances de croissance souvent réduites. C’est de la plasticité. En clair, chaque individu a modifié sa morphologie en modulant le niveau d’activité de certains gènes.

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