Lundi 24 juin, au tribunal judiciaire de Paris, s’est joué le procès d’un homme pressé, coutumier des us du monde d’avant. « Entre 18 000 rendez-vous de 8 heures à 23 heures, je prenais le chéquier qui traînait sur mon bureau et je faisais un chèque », explique aux juges l’ancien député de Paris et ancien premier secrétaire du Parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis.
L’ancien élu de 72 ans a été renvoyé pour « détournement de frais de mandat » au terme d’une enquête ouverte en 2018 par le Parquet national financier (PNF) à la suite d’un signalement de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Il lui est reproché d’avoir effectué entre 2015 et 2017 – soit la fin de son mandat – plus de 136 000 euros de dépenses litigieuses. Le préjudice a été ramené à 114 057 euros, l’élu ayant versé de lui-même pendant cette même période plus de 22 000 euros depuis son compte personnel vers le compte dédié à son indemnité représentative de frais de mandat (IRFM).
Au commencement de cette affaire, il y a une lettre. Celle du 5 mars 2015, envoyée par le bureau de l’Assemblée nationale à l’ensemble des élus, précisant les usages de l’IRFM. Jusqu’ici, les contours de cette indemnité étaient clairs – une avance destinée à couvrir des frais directement liés au mandat – mais peu détaillés dans les textes.
« Complément de revenu »
La lettre vient confirmer l’illégalité de certaines pratiques, du règlement de cotisations à un parti sur l’IRFM à l’achat d’un bien immobilier, comme une permanence, sur ces mêmes fonds – l’élu en gardant la propriété après son mandat. Elle vient aussi rappeler que cette enveloppe n’est pas destinée à des usages personnels – contrairement aux us de l’époque, explique Jean-Christophe Cambadélis à la barre.
« En 1997, l’IRFM a été augmenté par le président [de l’Assemblée nationale Philippe] Séguin parce qu’on ne pouvait pas augmenter le revenu des députés [pour des raisons d’image]. Donc [l’IRFM] était considéré comme un complément de revenu », précise-t-il. Les élus disposaient ainsi de leur indemnité d’« environ 4 800 euros » net, auxquels s’ajoutait une enveloppe d’IRFM d’un montant analogue. Quand, en 2015, la lettre du bureau est parvenue aux députés, à la suite de l’affaire Cahuzac, « on n’en [a pas retenu] grand-chose. On a [eu] l’impression que c’[était] de l’affichage. (…) [car] les comptes de l’IRFM n’étaient pas rendus publics ».
Le PNF, lui, a pris au sérieux cette lettre. Il reproche à l’ancien député d’avoir effectué avec son IRFM 21 500 euros de virements vers le compte personnel de son épouse actuelle et vers le sien, ainsi que d’avoir payé, entre autres, 44 151 euros de frais liés à son domicile (dont 31 953 au titre de la totalité de ses loyers en 2016), 25 906 euros de cotisations au parti socialiste, 5 000 euros de financement de sa campagne des législatives de 2017, 10 544 euros de déplacements d’agrément – dont un voyage avec son épouse en Corse et un voyage en famille à Prague –, 2 778 euros pour deux déménagements, dont un depuis la Grèce ou encore 18 250 euros de paiements de dommages et intérêts à la suite d’une précédente condamnation. Soit « une multitude d’opérations inscrites dans la durée, (…) dans le but d’assurer son train de vie », estime le procureur Hedy Djilali.
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