« J’aurais préféré garder mon père que d’hériter de ses sociétés »

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Arnaud Lagardère, devant l'entrée des rédactions du groupe Lagardère News, à Paris, le 27 juin 2023.

« Je ne sais pas si le terme “soulagé” est propre, puisque je me trouve en face de vous, mais en tout cas une partie de ma mission a été accomplie. » Devant les juges d’instruction Virginie Tilmont et Marie-Catherine Idiart qui, ce 29 avril, s’apprêtent à le mettre en examen pour « abus de biens sociaux, présentation de comptes inexacts et non-dépôt de comptes », Arnaud Lagardère ne minimise pas le moment qu’il est en train de traverser.

Depuis le début des investigations, lancées en 2021, et encore plus depuis qu’il a été auditionné par les enquêteurs, en mars 2023, le PDG de Lagardère SA – en retrait depuis qu’il est sous le coup d’une interdiction provisoire de gérer son entreprise imposée par la justice – pressent ce qui l’attend.

Cette mise en examen intervient par ailleurs quatre jours après que l’assemblée générale de Lagardère SA a voté la distribution de dividendes qui doivent lui permettre d’accomplir le protocole transactionnel conclu, selon nos informations, avec l’administration fiscale à la suite d’un redressement de 50 millions d’euros à régler avant la fin du mois de mai.

Dix personnes à charge

« Considérez-vous que votre train de vie peut être maintenu au regard de la situation fiscale et pénale ? », interrogent encore les magistrates. « Toutes choses égales par ailleurs, non, reconnaît le dirigeant à la solide réputation de panier percé. C’est-à-dire sans cession de titres supplémentaire. » L’aveu signe la fin d’une histoire, celle d’un conte de fées qu’aucune dépense ne venait jamais limiter, comme le révèlent des documents judiciaires dont Le Monde a pris connaissance.

Aux yeux de la justice, le cumul des abus de biens sociaux dont Arnaud Lagardère est présumé coupable pourrait dépasser les 125 millions d’euros : 32 millions au titre de la dette issue de la succession de son père, 1 million pour un prêt consenti à son ancien directeur général Pierre Leroy, un compte courant d’associé débiteur de 48 millions et des avances en compte courant d’un montant total de 45 millions en 2024.

Plaçant toute sa confiance dans Pierre Leroy, lui-même mis en examen le 10 avril pour « abus de biens sociaux, présentation de comptes annuels inexacts, non-dépôt au greffe des comptes », Arnaud Lagardère l’a toujours laissé s’occuper des contingences financières, tant pour mener à bien les affaires de l’entreprise que pour lui permettre d’assurer son quotidien.

S’il ne collectionne « ni montres, ni voitures de collection, ni livres anciens, ni tableaux », le dirigeant n’en a pas moins de gros besoins. Il déclare dix personnes à sa charge : les trois enfants qu’il a eus avec son épouse, le mannequin belge Jade, la mère et la sœur de celle-ci, son ex-épouse et leurs deux fils, ainsi que son petit-fils. La prestation compensatoire et les pensions alimentaires qu’il verse à sa première famille lui coûtent 43 000 euros chaque mois. A 33 ans, Jade Lagardère, dont le compte Instagram est suivi par 1,3 million de personnes, « propriétaire d’un personnage qu’elle a créé et qu’elle décline en bande dessinée, en jeux de réalité virtuelle dans un parc allemand (…), et bientôt sous forme d’une série télévisée », comme Arnaud Lagardère l’a décrite lors de son audition de mars 2023, dispose de revenus très faibles, « voire nuls ».

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