Gültan Kisanak, femme politique kurde emprisonnée et candidate à la mairie d’Ankara

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LETTRE D’ISTANBUL

Gültan Kisanak, alors candidate du parti Paix et démocratie à la mairie de Diyarbakir (Turquie), le 30 mars 2014.

Gültan Kisanak, c’est le courage qu’on voudrait avoir si l’on n’était bon qu’à ça. Femme politique d’une espèce rare, drôle et caustique comme pour tenir à distance la noirceur de ce qui se joue devant elle, l’ancienne maire de Diyarbakir, la métropole kurde du sud-est de la Turquie, est une détenue à part, incarcérée dans une prison de haute sécurité et candidate aux élections municipales de ce 31 mars. Elle n’est pas la première dans la longue histoire carcérale turque. Ni certainement la dernière. Mais son cas est un des plus emblématiques des dysfonctionnements de la justice et de la violence d’Etat.

La période maximale de détention de Gültan Kisanak, emprisonnée depuis sept ans dans le cadre du procès dit « de Kobané », a expiré voilà plus de quatre mois. Selon la loi turque, elle devrait être libérée sur-le-champ. Ce qui n’est pas le cas, malgré les demandes répétées de ses avocats. Alors qu’en janvier, devant ses juges, elle organisait une énième fois sa défense, son nom a été annoncé comme tête de liste pour la mairie d’Ankara, la capitale, par le parti prokurde DEM (ancien HDP, Parti démocratique des peuples). Une candidature à tout le moins symbolique, mais qui a le mérite de rappeler sa mémoire. Une mémoire sans âge, les autorités ont refusé qu’un photographe lui tire le portrait pour les affiches de campagne.

Enseignante, journaliste, féministe, mère d’un enfant et députée, Gültan Kisanak est l’un des noms les plus importants de la politique kurde en Turquie. L’écrivaine Oya Baydar dit d’elle qu’elle « est une blessure sur notre conscience et un miroir de nos péchés historiques ».

Déjà arrêtée en 1980, après le coup d’Etat militaire du 12 septembre, elle passe deux ans dans la tristement célèbre prison numéro 5 de Diyarbakir, que le quotidien britannique The Times désignera comme étant l’une des dix pires au monde. Elle y sera torturée, comme des centaines d’autres détenus. Elle côtoiera les morts et les traumatismes. Plus tard, elle dira : « Les putschistes voulaient capturer l’âme des Kurdes, surtout avec les atrocités commises dans la prison de Diyarbakir. Mais cela a provoqué l’effet inverse et déclenché un mouvement de défense de notre dignité. »

Elue à la tête de Diyarbakir en 2014

En 1991, elle rejoint le journal Güneş avant de collaborer à différents quotidiens et magazines de gauche prokurde. Tout juste trentenaire, elle s’implique dans les mouvements des femmes, importants dans la région. Et travaille un temps comme consultante pour la municipalité de Diyarbakir. Aux élections de 2007, Gültan Kisanak est élue députée sur une liste indépendante et se fait très vite remarquer avec sa rhétorique sur la nécessité d’un changement d’approche sur la question kurde. L’heure est encore à l’ouverture et aux négociations avec Ankara.

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