Frieze, le rendez-vous des galeries d’art, fête ses 20 ans dans un climat fébrile

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« Britain Is Best » (2014), de Grayson Perry.

Une fenêtre aux vitres peinturlurées de bleu nuit rappelle le geste des habitants des pays arabes qui voulaient échapper aux raids aériens pendant la guerre des Six-Jours. Cette œuvre du Libanais Rayyane Tabet a été réalisée il y a quelques mois. Pour les visiteurs qui la remarquent sur le stand la galerie Sfeir-Semler, à Frieze, l’écho avec l’abominable actualité israélo-palestinienne est plus que troublant.

La 20e édition de la foire londonienne s’est, de fait, ouverte en plein trauma, le 11 octobre. Les massacres perpétrés par le Hamas en Israël se sont ajoutés à la chronique des effets de l’inflation et à la remontée des taux d’intérêt pesant sur les collectionneurs aisés, habitués à emprunter gratis pour investir dans l’art. Pour plomber un peu plus le moral des galeristes, les résultats de ventes aux enchères à Hongkong se sont avérés pour le moins mitigés, témoignant d’un incontestable coup de froid sur le marché de l’art. Dans la très longue file des VIP pourtant, où se pressaient de nombreux Asiatiques, la triste actualité n’était guère au centre des conversations.

Comme si de rien n’était, plusieurs stands ont fait sold-out dès le vernissage. Les grandes galeries parce qu’elles avaient pris soin de prévendre leur sélection. Gagosian, par exemple, savait qu’il ne remballerait pas les dernières peintures florales de l’inoxydable Damien Hirst, cédées entre 450 000 et 900 000 livres sterling (entre 522 000 et plus de 1 million d’euros). D’autres galeristes, arrivés avec leurs inquiétudes, affichaient leur soulagement. « Ça a beaucoup mieux marché que ce qu’on redoutait », reconnaît l’Autrichien Thaddaeus Ropac, qui, à son grand étonnement, s’est défait de ses œuvres les plus chères.

Rivalité entre les capitales

Malgré l’apparente résilience, l’anxiété demeure et dépasse les questions conjoncturelles. Car si le Brexit a rebattu les cartes, son effet sur le monde de l’art est difficile à mesurer. Le retour des barrières douanières n’a pas engendré, à ce jour, le cataclysme annoncé. « Britain is best », claironne même une tapisserie du très caustique Grayson Perry, accrochée à Frieze par la galerie Victoria Miro. « Le Brexit est une catastrophe à de multiples égards, mais, honnêtement, ça n’a pas d’impact sur notre business », assure Mathieu Paris, l’un des directeurs de la galerie White Cube, rappelant que, « après le Covid-19, beaucoup d’Américains et de gens de Hongkong ont fait le choix de venir vivre à Londres ».

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Implantée à la fois à Paris et à Londres, Samia Saouma, directrice de la galerie allemande Max Hetzler, ne dit pas autre chose : « On n’a jamais pensé remettre en question notre galerie à Londres. Il n’y a pas, ici, les Pinault et Arnault, qui font fantasmer la terre entière, mais des acheteurs du monde entier. C’est une ville beaucoup plus cosmopolite que Paris. »

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