Franck Elong Abé accuse les services de l’Etat

3937


Des manifestants tiennent un portrait d’Yvan Colonna à Bastia le 13 mars 2022 lors d’un rassemblement en soutien à l’activiste indépendantiste, agressé le 2 mars en prison. Il mourra quelques jours plus tard à Marseille.

C’est un courrier désormais versé au dossier qui vient semer le trouble dans l’instruction sur l’assassinat d’Yvan Colonna, agressé le 2 mars 2022 dans l’enceinte de la maison centrale d’Arles (Bouches-du-Rhône) et décédé le 21 mars à Marseille. Franck Elong Abé, 36 ans, le terroriste islamiste fiché S mis en examen et placé en détention provisoire pour cet « assassinat en relation avec une entreprise terroriste », met en cause les services de l’Etat et de la DGSI (direction générale des services intérieurs), indiquant avoir agi en lien avec eux.

Dans ces quatre pages, écrites de sa cellule de la prison de la Santé, adressées à la magistrate le 21 février et que Le Monde a pu consulter, M. Elong Abé promet « un grand déballage au procès » et estime avoir été instrumentalisé : « Vous m’avez utilisé pour supprimer Yvan. Pour ensuite m’enterrer vivant. Bravo la DGSI. Bravo les services de l’Etat. » « Ces gens-là n’ont jamais eu l’intention de me payer, ils se sont servis de moi comme d’un abruti », indique le mis en cause au parcours chaotique en détention, qui n’a aujourd’hui plus d’avocat pour le représenter. « Il s’avère, de toute évidence, que ces manipulateurs sont les stratèges de la DGSI », persiste-t-il.

Selon ses dires, une rémunération de « 100 000 euros par année de prison » lui aurait été proposée afin d’exécuter ce forfait pour le dissimuler par la suite en « malaise ». M. Elong Abé indique également avoir été détenteur d’un « téléphone sécurisé » qui lui permettait de communiquer avec ses commanditaires éventuels depuis sa cellule. « Pourquoi ce téléphone n’apparaît nulle part dans le dossier et pourquoi c’est le secret-défense qui est affiché à la place ? », soulève-t-il, déclarant que c’est au moyen de cet appareil que son interlocuteur non identifié lui a fait écouter « les méchancetés que disait Yvan Colonna ».

Altération du discernement

Ces nouvelles déclarations de Franck Elong Abé, qui était détenu après une condamnation pour terrorisme islamique, sont en contradiction avec ses premières auditions où il affirmait avoir agi seul, sans lien avec un groupe, parce que M. Colonna avait commis selon lui un « blasphème ». « L’état psychiatrique de Franck Elong Abé, dont les experts ont conclu qu’il avait eu une altération du discernement, et l’incohérence d’une partie de son écrit conduisent à considérer ses nouvelles déclarations avec la plus grande prudence », indique une source policière.

Camille Chaize, porte-parole du ministère de l’intérieur et des outre-mer, a opposé un farouche démenti à ces accusations contre les services de l’Etat, sans répondre sur le fond d’un dossier couvert par le secret de l’instruction. « Ces allégations sont totalement fausses et sont sans fondement. Les services du ministère de l’intérieur ne commanditent pas d’assassinat ni d’agression contre qui que ce soit », a-t-elle indiqué au Monde.

Il vous reste 44.26% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.



Source link