Faut-il augmenter ou baisser les droits de succession ?

4623


Accusés d’être un « impôt sur la vertu » de parents qui ont épargné toute leur vie, ou d’être une « taxe sur la mort », les droits de succession ne sont pas très populaires dans l’opinion. Selon un sondage Odoxa pour le magazine Challenges publié le 25 avril, 84 % des Français souhaitent que les parents transmettent « le plus de patrimoine possible à leurs enfants » et 77 % trouvent que cet impôt est injustifié.

Un désamour qui confirme une étude de 2022 d’OpinionWay pour Les Echos, qui concluait que 81 % des Français étaient contre une augmentation des droits de succession. Pour certains, les droits de succession devraient purement et simplement être supprimés, comme l’a fait la Suède il y a vingt ans, ou au moins réduits.

Pourtant, s’ils suscitent le rejet, les droits de succession touchent une minorité de contribuables. Selon l’Insee, en 2018, seulement 14,6 % des parents transmettaient des héritages supérieurs à 100 000 euros et étaient donc soumis à l’impôt sur les successions. Ce niveau faible fait dire à certains que l’héritage contribue aux inégalités. En France, 60 % du patrimoine est issu d’héritages. Un patrimoine qui est réparti de manière très inégale : alors que 50 % des Français hériteront de moins de 70 000 euros, le 1 % des bénéficiaires les mieux lotis reçoivent en moyenne 4,2 millions d’euros nets de droits.

« Une tendance est commune à tous les pays développés »

Dans une note du Conseil d’analyse économique baptisée « Repenser l’héritage », publiée fin 2021, Clément Dherbécourt, Gabrielle Fack, Camille Landais et Stefanie Stantcheva estimaient que « si la masse de patrimoine accumulée augmente rapidement, elle n’est pas intégralement consommée au cours de la vie, une partie importante étant transmise aux générations futures. En conséquence, l’héritage devient à nouveau un facteur déterminant dans la constitution du patrimoine : la fortune héritée représente désormais 60 % du patrimoine total contre 35 % en moyenne au début des années 1970. Cette tendance est commune à tous les pays développés, mais elle semble particulièrement forte en France ».

L’héritage « porte en lui le risque d’un dérèglement profond de l’égalité des chances, valeur cardinale des sociétés démocratiques et condition de leur possibilité d’existence à long terme », jugeaient-ils.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Et si l’héritage n’allait pas de soi ?

Le précédent gouvernement envisageait de restreindre le dispositif Dutreil d’allègement fiscal au bénéfice des transmissions familiales d’entreprises. L’ONG Oxfam rappelle que 80 % des Français ne reçoivent aucune donation du vivant et que parmi celles et ceux qui héritent, neuf sur dix touchent moins de 100 000 euros au cours de leur vie ; « le top 0,1 % » des héritiers perçoit en moyenne 13 millions d’euros et ne paye que 10 % de droits de succession environ. L’association alerte sur l’émergence d’une minorité de super-héritiers et elle estime que rien que pour les cinquante milliardaires actuels, les pertes dues aux niches fiscales et exonérations existantes représenteront plus de 160 milliards d’euros dans les trente prochaines années.

Promesses d’allègement

Au moment de la campagne de l’élection présidentielle de 2022, le candidat Emmanuel Macron déclarait qu’il ne faisait « pas partie de ceux qui pensent qu’il faut augmenter les droits de succession à tout-va, au contraire » et il avait promis d’alléger la fiscalité sur les héritages en augmentant de 50 000 euros l’abattement pour les successions en ligne directe (parents-enfants), et d’instaurer un abattement de 100 000 euros pour les successions en ligne indirecte (frères-sœurs, neveux-nièces, beaux-enfants).

Un rapport récent de la Cour des comptes, rédigé à la demande du député La France insoumise (LFI) Eric Coquerel, estime possible de financer un allègement des frais de succession dans les familles recomposées. Tandis que d’autres estiment qu’il faut plus lourdement taxer les gros héritages. Pas sûr pour autant que le gouvernement Barnier décide de réouvrir ce dossier très polémique des droits de succession.

Les droits de succession sont-ils plus élevés en France que chez nos voisins ? Faut-il sauver le dispositif Dutreil ? Faut-il réformer les droits de succession ? A travers trois tables rondes qui réuniront, notamment, Jean-Paul Mattei (notaire, député et président du groupe MoDem à l’Assemblée nationale), Gilles Bonnet (notaire associé au cabinet KL Conseil), Jean-François Desbuquois (avocat associé au cabinet Fidal), Layla Abdelké Yakoub (responsable de plaidoyer Justice fiscale et inégalités chez Oxfam France) et Jean-Marc Daniel (économiste, professeur à l’ESCP Business School), la troisième édition des Rencontres de la fiscalité répondra à ces questions.

Les Rencontres de la fiscalité, le 5 novembre 2024 à l’auditorium du Monde. Accès gratuit sur inscription.

Retrouvez le détail de la programmation sur le site.

Cet article a été réalisé dans le cadre des Rencontres de la fiscalité, en partenariat avec Le Cercle des fiscalistes et le soutien de KL Conseil.

Réutiliser ce contenu



Source link