« Face aux sirènes populistes, l’idéal d’un art populaire nous semble plus pertinent que jamais »

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Firmin Gémier (1869-1933), Jeanne Laurent (1902-1989), Jacques Copeau (1879-1949) et Jean Vilar (1912-1971) sont les fondateurs du Théâtre national populaire (TNP), grande institution et magnifique idée démocratique [qui visait et vise toujours à rendre des productions théâtrales de grande qualité accessibles à tous]. Ces artistes cherchaient à promouvoir une exigence artistique pour le plus grand nombre, dans un contexte où l’émergence d’une culture de masse faisait craindre un mouvement d’uniformisation.

Ils ont, en leur temps, fait culture commune sans exclure aucune des composantes de la société. Leur ambition dans le domaine théâtral a fait écho aux utopies portées par des artistes chorégraphiques tels qu’Isadora Duncan (1877-1927), Rudolf Laban (1879-1958) ou Anna Halprin (1920-2021) tout au long du siècle dernier.

Une production proliférante

Face aux sirènes populistes qui menacent la cohésion de notre société, cet idéal nous semble plus pertinent que jamais. Récemment, notre pays a connu des crises sociales violentes, du mouvement des « gilets jaunes » [en 2018-2019] aux émeutes de l’été 2023. La crise sanitaire a accru les inégalités sociales. Dans le même temps, nous sommes aussi passés d’un monde artistique de la rareté à une production proliférante, portée par l’essor des réseaux numériques.

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D’un autre côté, le risque de voir nos imaginaires cadenassés par les algorithmes des réseaux sociaux s’accroît dangereusement. L’enjeu des droits culturels – c’est-à-dire le droit d’une personne de choisir et d’exprimer son identité – a aussi émergé avec force, rencontrant parfois des difficultés dans leur application concrète.

Si pour toutes ces raisons, réinventer un art populaire nous paraît une urgence démocratique, il faut souligner que le « populaire » des années 1920, 1960 ou 1980 n’est pas celui d’aujourd’hui. Il est indispensable de le repenser à la lumière des connaissances interculturelles que nous avons acquises au travers des mouvements migratoires de ces dernières décennies, des humanités numériques, ou des combats pour l’égalité des genres.

Cet idéal d’un art populaire qui transcende les genres artistiques, parce qu’il est avant tout une philosophie du partage, s’est parfois dilué dans des préoccupations économiques ou institutionnelles qui, si elles ne sont pas illégitimes, ne doivent pas occulter la visée civique et sociale de notre politique culturelle.

Créer un désir d’art

Pour restaurer cet idéal, il faudra, d’une part, créer un désir d’art chez nos concitoyens les moins favorisés pour s’approprier les richesses du patrimoine et de la création artistique ; et d’autre part, réussir à faire place à l’ensemble des sensibilités en se prémunissant de rapports de domination culturelle ou d’approche descendante.

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