Face à la crise des soins dentaires, des Britanniques poussés au « Do It Yourself »

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LETTRE DE LONDRES

Caroline Pursey, de Scunthorpe (Angleterre), raconte comment elle a dû s’arracher douze dents à l’aide de pinces, tant elles étaient douloureuses, après avoir passé trois ans à essayer de trouver un dentiste dans le cadre du système national de santé. Ici, le 8 février 2024.

Au début, on a pensé à un canular, tant l’histoire de Caroline Pursey, 63 ans, paraissait irréelle. Pourtant, rapportée par la chaîne ITV News le 7 février dernier, elle illustre une triste réalité britannique : l’accès déplorable de sa population aux soins dentaires. Cette habitante de Scunthorpe, dans le nord-est de l’Angleterre, a expliqué que, à la suite de graves problèmes dentaires et faute d’accès à un dentiste du NHS (le service de santé public, quasi gratuit), elle avait dû s’arracher elle-même douze dents à la tenaille, n’ayant pas les moyens d’aller dans un cabinet privé. « On m’a dit qu’il y avait trois ans d’attente », a-t-elle témoigné.

Confrontée à ce cas extrême par une journaliste d’ITV News, la ministre de la santé, Victoria Atkins, a répondu que « quelqu’un dans un tel état de souffrance doit savoir qu’il peut se rendre aux urgences de son hôpital pour obtenir de l’aide ». Un conseil aussitôt réfuté sur les réseaux sociaux, où professionnels comme citoyens ordinaires se sont empressés d’expliquer que les urgences hospitalières ne comptent pas de dentistes et que les malades sont renvoyés chez eux avec un antidouleur et le conseil de contacter… un cabinet dentaire.

Arracher ses dents soi-même : comment peut-on en arriver à une telle extrémité dans un pays riche, membre du G7 ? Le NHS traverse une crise profonde. Fondé en 1948 sur un principe généreux (l’accès gratuit et égal de tous les Britanniques à la santé), ce service public est victime de quatorze années de sous-investissements depuis l’arrivée des conservateurs au pouvoir, et de décisions peu judicieuses prises avant eux par les travaillistes. Manque criant de médecins, d’infirmiers ou d’ambulanciers, manque de matériel, infrastructures vieillissantes : plus de 7 millions de Britanniques sont sur liste d’attente pour des soins ou des opérations.

La dentisterie est particulièrement mal lotie. Etabli en 2006, le mode de rémunération des dentistes travaillant pour le NHS (offrant donc des soins gratuits) s’est révélé très peu incitatif. Il établit que ces professionnels sont payés par le service public sur la base d’UDA – des unités d’activité dentaire : un « check-up » compte pour une unité, le traitement d’une carie pour deux ou trois, etc. Les dentistes reprochent à ce système de ne pas suffisamment tenir compte de la complexité de certains soins et que les UDA n’aient pas été revalorisées en proportion de l’augmentation des coûts des matériaux, du matériel et du personnel.

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