Engagement des scientifiques, le ton monte dans les labos

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Depuis plus de trente ans, Wolfgang Cramer alerte inlassablement sur la disparition des espèces, les conséquences de la hausse du niveau de la mer et l’adaptation à ces menaces qui deviendra toujours plus difficile, voire impossible. Depuis plus de trente ans, l’écologue, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), consigne ces périls dans les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Et, depuis plus de trente ans, il observe, impuissant, les émissions de gaz à effet de serre croître et la biodiversité s’éteindre. Un paramètre a toutefois évolué : le chercheur a rejoint les rangs du groupe de désobéissance civile Scientifiques en rébellion, fin 2022. A 67 ans, il a pris pour la première fois la parole lors d’une manifestation – autorisée, samedi 11 mai, contre les projets de construction de gigantesques bassines de rétention d’eau dans le Puy-de-Dôme.

Des militants de Scientifiques en rébellion et d’Extinction Rebellion bloquent une écluse dans le port du Havre pour protester contre la création d’un terminal GNL flottant par TotalEnergies, le 12 mai 2023.
L’écologue Wolfgang Cramer (CNRS, au centre) assiste à la manifestation de soutien aux militants écologistes, Fanny Delahalle (à gauche) et Pierre Goinvic, avant leur procès pour vol du portrait d’Emmanuel Macron, à Lyon, le 2 septembre 2019.

« Pendant toutes ces années, on a fait une grave erreur. Au nom d’une fausse idée de science neutre, on n’a pas fait comprendre aux gens qu’on est dans une crise existentielle », regrette le scientifique de l’Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale. Il veut désormais « hausser le ton », montrer qu’il est « profondément touché » pour que « tout le monde le soit aussi ». Et ne plus s’interdire de nommer les « causes de la crise » : l’industrie polluante, l’agriculture intensive, les SUV.

Comme Wolfgang Cramer, de plus en plus de climatologues, d’écologues, de physiciens ou de sociologues décident de sortir de leurs laboratoires pour investir l’agora. Tribunes, prises de parole sur les réseaux sociaux, soutiens à des actions en justice, désobéissance civile : ces scientifiques ne veulent plus se contenter de chroniquer les crises écologiques en cours. Frustrés par ce qu’ils perçoivent comme une « inaction », ils souhaitent non seulement alerter le grand public, mais aussi faire pression sur les acteurs politiques.

Cet engagement des blouses blanches est ancien – sur la lutte ouvrière, l’émancipation des femmes, le nucléaire, le sida ou les OGM –, mais il s’est renouvelé autour des questions environnementales (climat, biodiversité, ressources…) ou sanitaires (crise du Covid-19 oblige), et dans les modes d’action. Une profusion de nouvelles associations, collectifs ou organisations témoignent des velléités de scientifiques à agir face à l’urgence : les Ateliers d’écologie politique (Atécopol, Ecopol, la Fabrique des questions simples…), Labos 1point5, EffiSciences, Scientifiques en rébellion, Projet CO2

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