En Turquie, les organisations féministes se concentrent sur les violences faites aux femmes

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Marche de la journée internationale des droits de la femme près de la place Taksim à Istanbul, en Turquie, le 8 mars 2024.

La pluie, le vent, les barrages de police omniprésents : rien n’a semblé pouvoir freiner la détermination des manifestantes venues, vendredi 8 mars au soir, autour de la place Taksim d’Istanbul qui, comme les années précédentes pour la journée des droits des femmes, était interdite d’accès. Elles étaient plusieurs centaines de femmes, peut-être plusieurs milliers, à se serrer le long de l’avenue Siraselviler et des rues adjacentes de ce quartier de Cihangir, situé sur la rive européenne de la mégapole turque.

Elles ont chanté, crié, sifflé et brandi des pancartes pour la défense de leurs droits. Des jeunes pour la plupart, remontées contre le détricotage systématique des acquis des dernières décennies, concrétisé par exemple avec la sortie, en 2021, sous le gouvernement islamo conservateur de Recep Tayyip Erdogan, de la Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, que le pays avait pourtant été le premier à ratifier en 2011. Les chiffres des féminicides en Turquie ne cessent de croître. Selon la plate-forme We Will Stop Femicides, 71 femmes ont ainsi été tuées depuis le début de l’année, dont sept pour la seule journée du 27 février, un sinistre record.

« Nous sommes plus nombreuses que l’année dernière, sourit Nilay, 22 ans, étudiante à l’université du Bosphore, qui n’a donné que son prénom, comme d’autres personnes interrogées. Je suis ici parce que je veux sentir que je ne suis pas seule. Je n’ai souffert d’aucune violence physique, mais je fais partie de cette minorité, en Turquie, en tant que femme, qui ressent au plus près cette violence systématique émanant de l’Etat. » A ses côtés, Ruzerin, 22 ans, ne dit pas autre chose : « Je manifeste pour voir tous ces gens dans la rue qui œuvrent pour ma sécurité. Je me sens plus forte avec eux. »

« Nous ne nous tairons pas »

Plus loin, derrière une pancarte brandie par plusieurs manifestantes et sur laquelle on peut lire « Si tu as peur de l’obscurité de la nuit, nous mettrons le feu à la ville », Sarya, 23 ans et déjà militante de longue date, semble elle aussi apprécier l’instant : « La place Taksim est un symbole important pour nos luttes. Nous essayerons d’y accéder à nouveau. Nous devons le faire. Le jour où nous y arriverons, cela marquera un recul pour les autorités et cette atmosphère étouffante qu’elles font régner. »

Dans la capitale, à Ankara, au même moment, elles étaient également plusieurs centaines, des jeunes pour la plupart, à se rassembler dans la rue centrale de Sakarya, malgré la pluie et les cordons de policiers. Là aussi, slogans et revendications LGBT, comme à chaque manifestation féministe. Begüm, 22 ans, est étudiante en biologie. Elle participe pour la première fois à une marche de nuit. « Mes parents se sont séparés l’an dernier, dit-elle d’une voix triste. Mon père a menacé ma mère alors qu’il n’avait jamais été un homme violent. Nous avons dû faire appel à un juge pour obtenir un éloignement. »

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